ervaas Blockel est un néo-vigneron dans un néo-vignoble. Agronome de formation, il a eu plusieurs carrières avant de se lancer dans le vin, la cinquantaine passée. De 2013 à 2018, il a planté 4 hectares de vignes sur d’anciennes terres agricoles, dans son pays flamand autrefois dédié à la culture du lin.
D’emblée, il choisit les hybrides. Neuf variétés : rondo, solaris, bronner, muscat bleu, cabaret noir, sauvignon soyhières, sauvignac, rinot, riesel, et roland (une variété locale rebouturée par ses soins). Les parcelles sont complantées, chaque rang est dédié à un cépage différent, pour améliorer leur résistance naturelle. « Avec le recul, je privilégierais ceux avec un port droit, et les moins vigoureux.»


Pourquoi les hybrides ? Par pure logique, explique-t-il. « Seule la question biologique m’intéresse ! La structure génétique d’un organisme doit évoluer tout le temps. Même l’agriculture industrielle l’a compris, les semenciers produisent sans arrêt des nouvelles espèces… Un seul secteur refuse ça : la filière viticole. Ils veulent faire survivre Vitis vinifera, des espèces qui sont biologiquement mortes. Un chardonnay, si tu retires l’homme de l'équation, il est mort en cinq ans. »
Autres paris : planter directement « dans l’herbe », et ne jamais travailler les sols. « Ça permet au sol de mieux drainer. Sans ça, les vignes auraient les pieds dans l’eau tout l’hiver. Mais les ceps ont mis neuf ans à atteindre un bon niveau de production, au lieu de quatre ans. » Ses rendements vont de 35hl/ha sur sa parcelle la plus pauvre à 60hl/ha sur une parcelle argileuse.
Ses choix répondent à plusieurs critères : « Avoir le moins de travail possible, ne dépendre de personne et réduire les frais. Il faut être fainéant et créatif.» Il a un seul petit tracteur et un rolofaca, « mais je dois être un des seuls vignerons avec cette surface sans pulvé. » Depuis ses débuts en 2015, Servaas Blockel n’a en effet jamais réalisé aucun traitement sur sa vigne, et les seules menaces redoutées sont les oiseaux et les drosophiles. « Il me reste la taille et surtout, comme je n’écime pas, je dois tresser, et ce sont des vignes vigoureuses, donc c’est du boulot. »
Côté vinifications, Servaas Blockeel continue dans la même veine : vinification naturelle (levures indigènes, pas de filtration, pas de soufre), et matériel limité au strict minimum. Ses cinq cuvées de vin (trois rouges parcellaires, un orange, un rosé, des assemblages tous réalisés sur le même modèle, pas d’éraflage, macération de deux semaines, élevage en cuves ovoïdes en polyéthylène faciles à manipuler), soit 20000 bouteilles par an, sont vendues sur allocation, principalement à l’export. « Je n’ai pas fait ces choix pour faire un type de vin, souligne Servaas Blokel. Je suis parti d’une page blanche, j’ai fait des choix agronomiques, et le vin est le résultat. »
Conscient que ses pratiques sont à contre-courant, Servaas s’étonne malgré tout de « l’hostilité » qu’elles suscitent, y compris dans le vignoble émergent belge. « Pourtant, petit à petit, les PIWI [es cépages PIWI sont issus de l'hybridation de vigne Vitis - NDLR] arrivent y compris dans les appellations françaises… On réalise qu’on peut faire des bons vins. Alors pourquoi continuer avec des cépages qu’ils disent ‘nobles’ pour passer 25 fois au pulvé dans la saison, tout en parlant de la nature… Qu’est-ce qu’ils défendent avec vitis vinifera ? Je ne sais pas ! »