Marquée par la déconsommation, la filière vin se remet en question… Et évoque un sujet tabou : le prix de vente en restauration. « Il faut qu’on parle du coefficient multiplicateur : il est anormalement important. Normalement il est à trois, on voit plutôt cinq à six » estimait récemment Jérôme Despey, le président du conseil vin de FranceAgriMer. « Là où le restaurateur est déraisonnable en termes de coefficient multiplicateur, le vin s’effondre. Avec l’inflation, les tarifs affichés de vin au verre et à la bouteille sont devenus prohibitifs. La baisse de consommation n’étonne pas : c’est trop cher » réagit Bernard Boutboul, le fondateur de Gira Conseil, spécialiste du réseau CHR (Café, Hôtel et Restaurant).
Plus que de coefficient multiplicateur, il faut parler en coût matière : le ratio entre le coût d’achat et le prix de vente estime le consultant, évoquant une cible de 35 % en moyenne pour la restauration, et de 20 % pour les liquides. « On gagne moins, mais pour vendre du vin il faut être raisonnable. On vend moins de vin au restaurant pace qu’on le vend mal et trop cher » estime Bernard Boutboul.


Plus pondéré, Fabrice Sommier, le président de l’Union de la Sommellerie Française (UDSF) estime qu’il n’existe pas de solution miracle. Prévenant qu’il ne faut pas généraliser (d’autant plus en période d’inflation, où le prix des vins augmente aussi), le sommelier reconnaît que « le problème dans les restaurants, c’est de vendre au bon prix. Toute la partie solide n’est pas vendue au bon prix, le prix du vin permet d’avoir un prix moindre pour les menus. Mais avec la consommation qui baisse, les prix augmentent… »
Notant que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, Fabrice Sommier rappelle que par le passé, certains restaurateurs se sont essayés à des forfaits sur la vente de vin : « ils ont fermé, le problème est celui de la marge permettant d’avoir une équipe, du personnel (qui manque, comme dans le vignoble). » En somme, « la problématique est de trouver le bon équilibre économique selon chaque entreprise. Il n’y a que des cas particuliers (le loyer ne sera pas le même à Paris qu’en Auvergne). »
Confirmant que les vins en particulier, et les liquides en général, permettent de créer de la valeur grâce à une marge supérieur, Bernard Boutboul conseille aux restaurateurs de délaisser la bouteille (moins porteuse) pour vendre au verre en moindre quantité (on était à 15 cl il y a 20 ans, aujourd’hui on est à 12 cl et parfois 7 cl) et en meilleure qualité (avec des marges inversées : plus fortes sur les premiers prix et moindre sur les grands vins, pour rétrécir l’ouverture du prix et inciter le client à se faire plaisir).
« Ce qui marche bien dans les restaurants du quotidien (avec service à table, mais sans sommelier), c’est de conseiller des accords mets et vins sur la carte avec les plats et avec le tarif du verre » ajoute l’expert du CHR, qui conseille aux vignerons de monter en première ligne pour « former les gens dans la masse des restaurants du quotidien qui connaissent peu le vin et en parlent mal. "Qu’est-ce que je vous sers avec ça" n’a jamais permis de vendre des liquides… »