iologiste, œnologue, négociant, dégustateur, nez, gastronome, pédagogue, consultant, écrivain, poète.. Et gourou de tous les libres producteurs de vins nature. Mais aussi coconcepteur du verre INAO devant permettre de déguster tous les vins. Telles sont les multiples facettes de Jules Chauvet (1907-1989) illustrées par la joyeusement érudite bande-dessinée Jules Chauvet : pionnier de la dégustation et des vins naturels scénarisée par le journaliste David Bessenay et dessinée par Thibaud Guyon (collection des routes du Beaujolais aux éditions du Troisième Jeudi, 4 €). Retraçant le fil d’une vie dédiée à la vigne et au respect de son expression liquide, les auteurs dessinent un parcours tendant vers la suppression de tous les ajouts œnologiques dénaturant le vin : sulfites, sucres, filtration serrée, collage…
Loin des idées préconçues sur une vinification nature en roue libre, « Jules n’était pas un vigneron hippie, c’était un scientifique, un biochimiste » rappelle dans le BD Dominique Joseph, le président de l’amicale Jules Chauvet. Se passer d’ajout de sulfites demandant une surveillance chimique et une hygiène de cave maniaque. Ayant diffusé cette approche à l’os de la vinification auprès de ses apôtres : stagiaires et voisins du Beaujolais (dont la bande de Morgon : Guy "p’tit Max" Breton, Jean-Claude "le chat" Chanudet, Jean Foillard, Marcel Lapierre, Jean-Paul Thevenet…).
Cherchant la précision dans sa description aromatique des vins (« le vin c’est du parfum, pas de l’alcool »), Jules Chauvet privilégiait la dégustation en fin de matinée (à 11 heures), à l’extérieur (« rien de mieux que la lumière du jour pour apprécier la robe d’un vin ») et dans des verres soigneusement lavés (« uniquement à l’eau distillée » et séchés « avec des torchons lavés à l’eau de pluie et séchés au soleil » avant d’être avinés). Une rigueur l’amenant à décortiquer les senteurs du quotidiens composant le bouquet des vins. « C’est vraiment le nez du vin, on lui doit la dégustation moderne » salue la journaliste Évelyne Leard-Viboux dans la BD.


Continuant d’influencer les nouvelles générations de vigneronnes* et vignerons (alors que nombre de ses enseignements sont encore à répertorier pour être exploitées rappelle la BD), « Chauvet n’a jamais voulu donner naissance à un courant » souligne le journaliste Sébastien Lapaque, le qualifiant de « Socrate du Beaujolais » qui ne sait qu’une chose : qu’il ne sait rien. Jules Chauvet disant à la fin des années 1980 : « plus j’étudie, plus je suis loin de comprendre. Je vais bientôt mourir et je ne sais toujours pas ce qu’est le vin… »
* : La BD est dédiée à la mémoire de la vigneronne Julie Balagny, inspirée par les pratiques de Jules Chauvet pour « être fidèle aux préceptes de Chauvet : du vin sans artifices ».
Les auteurs David Bessenay et Thibaud Guyon.