a décision est prise. Il arrache. « J’ai plus de frais que de bénéfices. Il y a cinq ans, la coop nous payait 130 €/hl de bordeaux rouge contre à peine 75 €/hl aujourd’hui. On ne peut pas continuer ainsi », lâche Bernard Daraignès, à la tête de château Haut Bonfils, à Espiet, qui apporte toute sa récolte à la coopérative de Sauveterre. Son activité de prestataire de travaux viticoles n’est pas mieux lotie. « Beaucoup de mes clients n’ont pas de relève ou n’arrivent plus à me payer », déplore-t-il.
Alors, sur ses 49 ha, Bernard Daraignès a fait une demande d’aide à l’arrachage pour 20 ha. Sur 12 ha il veut produire du foin et renaturer 8 ha. L’avenir ? « Le marché va s’assainir », veut-il croire. En attendant, si les prix ne remontent pas d’ici fin 2024, c’est sûr, il arrête tout. Sa fille qui devrait reprendre l’exploitation cette année a renoncé.
A Castelviel, Sébastien Léglise à la tête des vignobles Falgueyret Leglise, subit de lourdes pertes de marchés à l’export. Sur ses 57 ha, il produit du bordeaux et de l’entre-deux-mers qu’il écoule à 70 % à l’export, le reste en France. « Un de mes importateurs trouve des bordeaux livrés à Shangaï à 1,35 €/col quand je suis à 2,30 €. Le négoce casse les prix et coule les viticulteurs ; ce n’est pas acceptable », lâche-t-il. Et de confier : « Je suis au bord du dépôt de bilan ».
Dans un premier temps, Sébastien Léglise a voulu arracher 35 ha pour se diversifier. Puis, il s’est ravisé. Ce 20 novembre, il a ouvert un dossier pour 5 ha seulement : sur 4 ha il veut produire des céréales et de l’olivier sur 1 ha. Pour le reste, il espère développer son chiffre d’affaires avec les particuliers. En mai dernier, il a ouvert une salle de dégustation, un gite et de deux aires de camping-car. Désormais, il compte sur l’oenotourisme pour rebondir.
Renaud Jean, négociant et viticulteur qui exploite 20 ha à Roquebrune et 20 ha à Saint Martin de Sescas veut arracher ses vignes de Saint-Martin-de-Sescas. « J’écoule mes vins par le biais de ma société de négoce, JMVB. Or de plus en plus je suis en concurrence avec des négociants qui livrent des bordeaux en Chine à moins de 1,50 €/col. En réduisant ma surface, je limite mes risques », indique-t-il.
Renaud Jean veut renaturer 8 ha et se diversifier sur les 12 ha restants, peut-être en y produisant de la luzerne. Il ne sait pas encore. Reste que ce scénario est loin de le satisfaire. L’arrachage des 20 ha lui coûtera 30 000 €. Pour protéger l’ensemble de son vignoble, il a dépensé 35 000 € de produits de traitements cette année qu’il n’a pas encore payés. Il a aussi acheté 500 hectos de vendange pour compenser la perte de récolte due au mildiou. La prime d’arrachage de 6 000 €/ha sera vite mangée.
Le guichet de demande définitive d’aide à l’arrachage en Gironde a ouvert le 20 novembre. « Ce dispositif vise à arracher jusqu’à 9 500 hectares aidés à hauteur de 6 000 €/ha », rappelle la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Les vignerons peuvent demander cette aide soit pour « renaturer » leurs parcelles, à savoir les boiser ou les mettre en jachère pendant au moins 20 ans, soit pour y produire d’autres cultures. Lors de la campagne de précandidature qui s’est achevée mi-juillet plus d’un millier de viticulteurs ont déposé des demandes pour arracher 9 251 hectares afin de se diversifier sur les deux tiers de ces surface et de renaturer le reste. Problème, les pouvoirs publics avaient prévu l’inverse destinant à la renaturation les deux tiers des 57 millions d’euros budgétés pour cet arrachage. De ce fait, les vignerons peuvent encore se porter candidats à l’aide à la renaturation.