i pour, ni contre, bien au contraire ? Réuni ce jeudi 16 novembre par la Commission Européenne, le Comité Permanent des Végétaux (Scopaff) n’a, de nouveau, pas réuni de majorité pour se positionner sur la question du renouvellement de l’autorisation d’usage du glyphosate par l’agriculture européenne. « Quatre mois après la publication du rapport de l’EFSA [NDLA : l’autorité européenne de sécurité des aliments, ayant rendu un avis favorable], et un mois après un premier vote qui avait permis de bloquer la ré-autorisation du glyphosate en Europe, les États membres ne sont pas parvenus à exprimer un vote à majorité qualifiée aujourd’hui » rapporte l’ONG Générations Futures, critiquant la nouvelle abstention de la France sur le sujet. « Grâce notamment à une nouvelle abstention de la France, l’Union Européenne va prolonger jusque 2033 l’autorisation du désherbant le plus vendu au monde, au mépris du principe de précaution et des conséquences sanitaires et écologiques » réagit un communiqué de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO*).
Confirmant s’être abstenue, la France indique dans un communiqué du ministère de l’Agriculture que « concernant le glyphosate, la position française est claire : la France n’est pas contre le principe du renouvellement de la molécule, mais veut réduire rapidement son usage et encadrer l’utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts, et le remplacer par d’autres solutions chaque fois que c’est possible ». Demandant « d’encadrer les usages du glyphosate et d’en limiter les usages dès que des alternatives sont disponibles », le ministère « a donc souhaité que l’Europe encadre plus strictement les usages du glyphosate et a fait de nombreuses propositions en ce sens à la Commission. Elle regrette que cette dernière ne les ait pas retenues » comme lors du précédent vote du Scopaff. Faute d’accord entre les 27 états membres, la Commission européenne peut désormais acter seule le renouvellement pour 10 ans du glyphosate qu’elle soutient depuis septembre (la France souhaitait une durée moindre, voir encadré).


Dans un communiqué, Bruxelles précise qu'« alors que les États membres restent responsables des autorisations nationales des produits phytopharmaceutiques (PPP) contenant du glyphosate et continuent de pouvoir restreindre leur utilisation au niveau national et régional s'ils le jugent nécessaire sur la base des résultats des évaluations des risques, la Commission va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de 10 ans. » L'autorisation du glyphosate expirant ce vendredi 15 décembre, la Commission précise que « ce renouvellement est soumis à certaines nouvelles conditions et restrictions, telles que l'interdiction d'utiliser le glyphosate comme dessiccant avant la récolte et la nécessité de prendre certaines mesures pour protéger les organismes non ciblés. »
« En France, le glyphosate continuera à être encadré : son utilisation sera toujours autorisée là où il n’existe pas d’alternative, et le gouvernement, à travers le plan Ecophyto, continuera à rechercher des alternatives et à accompagner les agriculteurs » annonce le ministère de l’Agriculture. Herbicide de post-levée à action systémique, le glyphosate est déjà limité dans son usage à 450 g par hectare et par an en France depuis 2021. Son usage est limité sous le rang dans le vignoble, sauf pour les parcelles en forte pente, caillouteuse ou en terrasse où le désherbage mécanique n'est pas possible. « L’approche française fonctionne : en France, nous avons réduit de 27 % l’utilisation du glyphosate depuis 2017 » répète le ministère de l’Agriculture, pour qui cette méthode « ne laisse aucun agriculteur sans solution. Concrètement, elle passe par des interdictions ciblées, l’encadrement des doses utilisées (limite par ha), et l’accompagnement des agriculteurs. » Regrettant « l’absence de courage politique des Etats membres pour trouver une majorité qualifiée sur un dossier que de trop nombreux acteurs politiques et associatifs ont voulu transformer en marqueur de la transition écologique », la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) « appelle dès à présent le gouvernement à respecter l’engagement de la Première Ministre, pris au dernier salon de l’agriculture lorsqu’elle déclarait qu’ "en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen". »


Sujet clivant dans la société en général et dans le vignoble en particulier, le maintien du plus célèbre des herbicides est considéré comme vital par certains, craignant les effets pervers d'une interdiction sans alternative. « Réduire toutes les molécules et ne travailler qu’avec un panel de plus en plus réduit, va créer l’inverse de ce que l’on souhaiterait » lançait Christophe Bou, le co-président de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO), ce vendredi 27 octobre lors de la journée européenne du vin (se tenant à Toulouse). Pour le vigneron de Gaillac, on en arrive « aujourd’hui à créer des résistances, on n’aura plus de molécules réellement pour combattre telle ou telle maladie. Pour le désherbage ça créé des inversions de flore, ce n’est pas ce que nous souhaitons aussi. Quelque part, il faut peut-être travailler en conservant plus de molécules, en entourant l’usage et la pratique. Mais dans un premier temps ne pas l’éliminer carrément. » Et de prévenir : « dans certains vignobles en pente/des graves, si l’on élimine complétement le glypho, c’est l’abandon du vignoble. Parce que nous n’avons pas d’autres moyens pour l’instant. »
Vision diamétralement opposée pour Allain Bougrain Dubourg, le président de la LPO, qui estime dans un communiqué que « l’appréciation rocambolesque du glyphosate n’est pas acceptable. Le temps est venu du devoir de précaution. Cette prolongation est symptomatique de l’incapacité politique à réformer nos modes de production alimentaires afin de restaurer nos paysages, renforcer la résilience de l’environnement face au réchauffement climatique et stopper l’effondrement de la biodiversité. Il est vital de réconcilier la nature et l’agriculture. Et donc d’interdire les pesticides ! »
« La France souhaitait un délai de réhomologation plus court que les 10 ans proposés afin de pouvoir intégrer les compléments d’analyse dès qu’ils seront disponibles » annonce le ministère de l’Agriculture, qui « invite la Commission à accélérer les travaux pour mettre au point les méthodes scientifiques qui doivent permettre de mieux évaluer les risques indirects pour la biodiversité via les chaînes trophiques. » Pouvant autoriser jusqu'à 15 ans la matière active, la Commission préfère rester en deçà. Bruxelles indiquant que si « le glyphosate a désormais été à nouveau entièrement réévalué, via un processus rigoureux qui a duré 4 ans (entre 2019 et 2023) [sans que] l’évaluation précédente ni l’évaluation actuelle n’aient identifié de problèmes critiques », mais néanmoins, « les recherches sur le glyphosate s’intensifient. De nouvelles connaissances sur les propriétés du glyphosate pertinentes pour la protection de la santé humaine et de l’environnement peuvent être attendues. Si des preuves apparaissent indiquant que les critères d'approbation ne sont plus remplis, un réexamen de l'approbation au niveau de l'UE peut être lancé à tout moment et la Commission prendra immédiatement des mesures pour modifier ou retirer l'approbation si cela est scientifiquement justifié. » Dans le même temps, « on ne s’attend pas à ce qu’à court terme de nouvelles informations ou connaissances scientifiques significatives se matérialisent et aboutissent à un résultat différent. Un renouvellement du glyphosate pour une période relativement courte ne serait donc pas justifié » pose la Commission.