e défi n’est pas mince : « comment arriver à protéger notre vignoble contre ses bioagresseurs, tout en limitant les produits phytosanitaires en répondant aux attentes sociétales ? » pose Eric Serrano, le directeur régional Sud-Ouest de l’Institut Français de la Vigne (IFV), ce vendredi 27 octobre lors de la première journée européenne du vin, se tenant à Toulouse (ville européenne du vin en 2023). Au-delà des enjeux de maladies émergentes (les « exotiques » scarabée japonais, punaise diabolique, Xyllela fastidiosa fastidiosa…), la gestion des maladies présentes (black-rot, mildiou, flavescence dorée…) est désormais soumise à une pression de réduction des matières actives (une task-force de la filière vin planche sur les substances actives critiques en la matière).
« Réduire toutes les molécules et ne travailler qu’avec un panel de plus en plus réduit, va créer l’inverse de ce que l’on souhaiterait » prévient Christophe Bou, le co-président de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO). Pour le vigneron de Gaillac, avec une approche de réduction à tout crin, « aujourd’hui on créé des résistances, on n’aura plus de molécules réellement pour combattre telle ou telle maladie. Pour le désherbage ça créé des inversions de flore, ce n’est pas ce que nous souhaitons aussi. Quelque part, il faut peut-être travailler en conservant plus de molécules, en entourant l’usage et la pratique. Mais dans un premier temps ne pas l’éliminer carrément. » Et de citer l’exemple du glyphosate : « dans certains vignobles en pente/des graves, si l’on élimine complétement le glypho, c’est l’abandon du vignoble. Parce que nous n’avons pas d’autres moyens pour l’instant. »


Sans ambage, la députée européenne Anne Sander reconnaît que « quand on parle du vin au Parlement Européen, on le raccroche souvent aux politiques du Green Deal. Il faut dire que derrière, cela se traduit souvent par de nouvelles contraintes pour le secteur agricole et le secteur viticole en particulier. » Soulignant que les discussions parlementaires sur le règlement de réduction durable des pesticides (SUR) vont être difficiles fin novembre, l’eurodéputée met en regard le rapport « raisonnable » de la commission agricole du Parlement européen et celui de la commission environnementale qui augmente la pression sur la réduction des phytos. « Clairement la bataille législative se jouera en plénière. On aura besoin de votre mobilisation au niveau européen et national pour faire monter la pression. Pour faire en sorte que l’on puisse rééquilibrer le texte » annonce Anne Sander, bien entendue par les représentants de l’agriculture et de la viticulture (voir encadré).
« Aller dans le bon sens oui, mais avec un pas de temps et calendrier de solutions » plaide Christophe Bou. En termes de solutions alternatives, il faut du temps pour la recherche et l’expérimentation prévient Eric Serrano qui demande « un plan Marshall pour la recherche de la filière viticole ». Evoquant le potentiel des techniques dénomiques, Anne Sander confirme qu’ « évidemment, il faut investir plus encore pour aujourd’hui, pour demain. Il faut qu’au niveau européen on puisse garder des matières actives en attendant d’avoir d’autres solutions. On a évidemment sur la table la question du renouvellement du glyphosate : espère pourrons aller de l’avant et maintenir possibilités avant d’avoir d’autres propositions. »
Le vote ce mardi 24 octobre du rapport sur le règlement SUR de la Commission de l’environnement du Parlement européen hérisse le poil des syndicats agricoles en général, et viticoles en particulier. Premier à réagir le 24 octobre, le Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union européenne (Copa) et le Comité Général de la Coopération Agricole de l'Union européenne (Cogeca) estiment que « la commission de l'environnement opte pour une approche dure et irréaliste sans proposer de véritables solutions » avec « un texte voté qui va encore plus loin que la proposition initiale de la Commission qui était déjà complètement déconnectée des réalités agricoles du terrain ».
La FNSEA abonde dans un communiqué ce 25 octobre : « ce rapport, qui se révèle plus irréaliste encore dans ses objectifs que la proposition initiale de la Commission européenne, a été établi en l’absence de l’étude d’impact complémentaire demandée par les Etats membres ». Et le syndicat agricole de critiquer « cet entêtement à retirer aux agriculteurs leurs moyens de production, à les placer en position de faiblesse, à freiner leur transformation agroécologique ».
Même opposition ce 27 octobre pour l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), qui reprend le discours du COPA COGECA en appelant les eurodéputés à « être pragmatiques avant tout et de se concentrer sur des solutions concrètes, afin que cette proposition ne soit pas rejetée d'emblée car elle est trop peu pratique sur le terrain et pourrait avoir de graves conséquences à la fois sur la sécurité alimentaire, mais aussi sur le développement rural ».