ouveau durcissement proposé pour le Règlement européen sur l'Utilisation Durable des pesticides (règlement SUR) qui vise une réduction de 50 % de l’usage des phytos d’ici 2030 (à l’échelle européenne par rapport à 2015-2017). Ce 24 octobre, la Commission de l'Environnement du parlement européen (Comenvi) vote son rapport renforçant des contraintes : si la Commission Européenne proposait une réduction de 50 % par rapport à 2015-2017 pour les pesticides candidats à la substitution pour leur dangerosité, la Comenvi vote une réduction de 65 % par rapport à 2013-2017. « On parle de pesticides chimiques et non de produits moins dangereux comme ceux utilisés dans l’agriculture biologique. Les pesticides utilisés en agriculture biologique sont autorisés » précise, lors d’une conférence de presse, l’eurodéputée autrichienne Sarah Wiener, rapporteure du rapport de la Comenvi, qui portait elle-même une proposition de réduction de 80 % de ces phytos. Sollicitée par un journaliste au sujet du cuivre, l’eurodéputée répond que les « préparations à base de cuivre sont dans la catégorie 4 [des candidats à la substitution], sont très dangereux et ne sont pas retirés de cette catégorie. Ils ne font pas partie des biopesticides, comme ils contiennent des métaux lourds. »
Une proposition qui a de quoi mettre des vignobles dans l’impasse, des traitements conventionnels comme biologiques. D’autant plus que la Comenvi vote pour que les interdictions de traitement à proximité des zones sensibles (écoles, hôpitaux, chemins, Natura 2000…) soient fixés à 5 mètres (la Commission propose 3 mètres, Sarah Wiener proposait 50 mètres). Ce sujet était clairement au cœur des discussions, et tensions, parlementaires. Le but n’est « pas d’empêcher les agriculteurs dans cette zone d’exercer totalement. Dans l’ensemble des zones sensibles sont autorisés les pesticides écologiques et biologiques autorisés. Mais si Etat Membre pense que ce règlement n’est pas pertinent pour certaines zones sensibles, il peut autoriser des exceptions » défend Sarah Wiener, pour qui « on interdit les pesticides chimiques, mais pas totalement. »
Rassurante, Sarah Wiener le martèle : « je ne veux pas que l’on effraie les agriculteurs. Il faut que les agriculteurs dans cette situation soient encouragés, qu’on leur dise : on va vous aider, vous financer, vous conseiller… il y a 1 million d’agriculteurs dans l’Agriculture Biologique dont on peut apprendre. L’objectif est véritablement de réduire les poisons que l’on injecte dans l’environnement : c’est notre responsabilité en tant que représentant du peuple. » L’eurodéputée en est persuadée : « les gens devraient nous féliciter » d’œuvrer pour l’environnement et la santé, dont celle des agriculteurs.


Pas sûr que ce soit le sentiment partagé dans tout le vignoble français, qui s’est exprimé contre cette approche européenne de réduction des phytos, en s’étranglant devant l’étude d'impact de la Commission Européenne sur le règlement SUR, qui fait passer par pertes et profits la chute des rendements viticoles français (-28 % d’après les estimations). Il y aurait de quoi préférer la proposition bien différente de la Commission de l’Agriculture du Parlement Européen (Comagri). Alors que le débat en séance plénière est prévu ce mercredi 22 novembre pour le règlement SUR, les tensions entre eurodéputés sont déjà visibles. Ne serait-ce qu’au sein de la Comenvi, avec 47 votes pour le rapport, 37 contre et 2 abstentions. « Il n’y a pas un paragraphe, pas une phrase où l’on ne soit pas battu » reconnaît Sarah Wiener, qui regrette l’absence d’unanimité en commission et espère pour la séance plénière des « négociations plus prometteuses afin d’obtenir un compromis solide » au Parlement, avant de le discuter avec le Conseil et la Commission Européenne. « Les agriculteurs ne doivent pas avoir peur : on va les aider, s’ils n’y parviennent pas, l’Etat Membre en tirera les conséquences et le notifiera à la Commission en expliquant pourquoi » plaide à nouveau Sarah Wiener.
Parmi les opposants à ce rapport de la Comenvi, on trouve le Comité des Organisations Professionnelles Agricoles de l'Union européenne (Copa) et le Comité Général de la Coopération Agricole de l'Union européenne (Cogeca). « La commission de l'environnement opte pour une approche dure et irréaliste sans proposer de véritables solutions » tacle un communiqué, qui critique « un texte voté qui va encore plus loin que la proposition initiale de la Commission qui était déjà complètement déconnectée des réalités agricoles du terrain. Le résultat est que la proposition de la Comenvi sera adoptée en séance plénière avec des objectifs irréalistes, des dispositions peu pratiques, notamment sur les zones sensibles, et avec peu de solutions concrètes à proposer alors que des compromis acceptables auraient pu être trouvés. » Le Copa Cogeca estime être « aujourd'hui clairement dans un contexte de posture politique, sans réelle évaluation des conséquences d'un tel vote » alors qu’« aucune étude n'a été réalisée à l'échelle européenne sur la portée des dispositions incluses dans le rapport de la Comenvi ».
Premier groupe au Parlement Européen avec 178 eurodéputés, le Parti Populaire Européen (PPE, centre-droit) indique s’opposer aux « lois qui entravent la capacité des agriculteurs à produire de la nourriture ou réduisent la production alimentaire globale ». Un député du PPE ayant qualifié Sarah Wiener d’« écopopuliste », l’eurodéputée écologiste réplique que des partis du centre et de la gauche soutiennent aussi son rapport et que seuls s’opposent la droite et l’extrême droite : « quel est le monde que l’on veut laisser à nos enfants et petits-enfants ? Quelle est notre responsabilité ? On veut corriger le tir. » Soutenant la proposition de la Comenvi, l’eurodéputé français Christophe Clergeau (Parti Socialiste) y souligne dans un communiqué des dispositions de clause miroir vis-à-vis des produits importés. Soit « la fin des tolérances à l’importation sur les résidus de pesticides non autorisés en Europe d’ici à fin 2025 » indique le successeur du parlementaire Eric Andrieu. Christophe Clergeau indiquant que « c’est une étape importante pour les agriculteurs. Nous devons les protéger d’une concurrence déloyale vis-à-vis d’importations qui ne respectent pas les règles auxquelles, eux, ils sont soumis. » Encore faut-il qu’ils puissent encore produire…