yant marqué les vignes et les esprits vignerons, la virulence du mildiou ce printemps et cet été 2023 ne serait pas dû qu’à la météo tropicale et à l’explosion des vignes laissées en friche en Gironde pour Olivier Metzinger, du château Pascaud à Rions. Administrateur aux syndicats des AOC Bordeaux et Cadillac, le vigneron pointe la responsabilité des pouvoirs publics français et européens, ayant fait de la réduction des matières actives et des doses de phytos une finalité écologique au détriment de toute prise en compte économique. « Le problème, c’est que l’on a une administration qui gère les grandes masses et ne voit pas de souci avec cette vision globale. Les prévisions de récolte de 44,5 millions hl disent que quelque part tout va bien, qu’il n’y a pas de souci. C’est comme dire que réduire de 50 % les phytos ne réduit que de 28 % les rendements. Ça se gère depuis un bureau, mais sur le terrain il y a des drames humains. Ce n’est pas mathématique » soupire Olivier Metzinger, qui regrette que « quand tous les modèles sanitaires sont au rouge, l’on ne puisse pas adapter les traitements. L’objectif de l’administration est de réduire les doses, mais l’objectif d’un vigneron est d’abord de produire du raisin sain et mûr, ensuite de réduire les phytos si c’est possible. »
Pour le vignoble, « la diminution des doses a des limites », alors qu’« il y a des Témoins Non Traités (TNT), il n'y a pas de témoins surtraités à +10, +20 ou +30 % des doses prescrites. De vrais scientifiques devraient aussi le faire, afin de constater les effets. En 1993, un hydroxyde de cuivre (500 g) était homologué à 6 kg/ha par passage en pleine végétation (3 kg de Cu métal), il est aujourd'hui homologué à 1,5 kg/ha (avec le fameux plafond de 28kg de Cu métal pour 7 ans) et réellement utilisé entre 0,5 et 1 kg... Divisez par 6 ou 12 le nombre de boulons qui tiennent les roues de votre voiture et je crois qu'il y aura des problèmes. Et essayez ensuite de faire payer les dommages à votre assureur. Franchement on marche sur la tête dans les ministères. »
De l’adaptation des doses phytos lors des conditions exceptionnelles au déploiement de cépages résistants au mildiou et à l’oïdium*, Olivier Metzinger appelle à la création d’une boîte à outils permettant de maintenir des rendements viables pour l’économique viticole. « Aujourd’hui on avance à marche forcée par des décideurs n’en ressentant pas l’impact » regrette-t-il, faisant état de vignobles où il n’y a même plus le squelette des grappes. Ce qui augure de grandes difficultés financières pour des entreprises déjà très fragilisées par la succession de crises commerciales et climatiques. Après l’espoir d’un millésime à l’économie, pour ne pas trop dépenser au vignoble alors que la trésorerie est à sec, la réalité d’une campagne viticole coûteuse ayant demandé toujours plus de traitements et de travaux va tomber sur les bilans d’exploitations, alors que les rendements vont être réduits. « En plus, le résultat n’est pas là ! On espère tous passer l’année » rapporte Olivier Metzinger, notant que « normalement nos entreprises sont capables d’assumer les aléas de leur activité, mais leur cumul empêche de faire du chiffre pour dégager des réserves ou faire de la prospection ».
Pessimiste sur l’avenir, le vigneron craint que « les 30 000 hectares de vigne à l’abandon soient là en décembre. Il y en aura 9 000 arrachés et le reste ? Aujourd’hui, il n’y a pas de prise de conscience d’ampleur. Il aurait fallu anticiper les baisses de consommation (chiffrées depuis des décennies) et être plus proactif. Ce sont des occasions manquées. Est-ce parce que l’on est habituée à ce que les paysans se plaignent ? Objectivement, des jours noirs s’annoncent. »
* : Mais pas au black-rot note le vigneron, qui pointe des impasses croissantes pour lutter contre, y compris ce millésime 2023.