menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Edito / Prise d’esthète
Prise d’esthète
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Prise d’esthète

Par Alexandre Abellan Le 10 novembre 2023
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Prise d’esthète
E

t si la filière vin parlait du nez au point d’être inécoutable pour le consommateur ? Dans la pile à peine périmée des dernières publications sur les foires aux vins, prenez au hasard une critique sur une cuvée coup de cœur : vous promettra-t-elle les délices d’arômes de fruits rouges et noirs à la pleine maturité, ou un léger parfum citronné aux fraîches notes de fleurs blanches, à moins que l’on trouve une pointe de réglisse surlignée de menthol ? Rassurant à coup sûr le lecteur néophyte sur le sérieux du critique faisant l’étalage de ses dons olfactifs, cette liste technique va-t-elle transmettra au consommateur en puissance le moindre désir de goûter, la parcelle d’envie d’où peut naître un achat ?

Comme s’en moque le journaliste humoriste David Castello-Lopes sur France Inter à propos des conseils éloquents de sommeliers : « derrière ces déluges de jargon que je laisse couler sur moi en tremblant, il y a souvent la volonté de m’intimider pour que me taise et que j’achète ». Et même quand un cafetier simplifie ses questions à des classes de préférences (tannique ? Fruité ? Floral ?), la terminologie utilisée n’est pas intuitive, se parlant plus à elle-même qu’au potentiel acheteur. Pour ne pas dire consommateur, comme l’explique dans un vivifiant entretien Joe Fattorini, le présentateur britannique de l’émission The Wine Show, pour qui il faut remettre le discours du vin à sa juste place : « lorsque les Français parlent de leur patrimoine, de la transmission du savoir-faire, du système des appellations etc, s’ils remplaçaient le "je" par "vous", ce serait beaucoup plus efficace. Donc, "vous" allez accéder à des générations de patrimoine et d’histoire, vous allez participer à un voyage virtuel à travers ce flacon depuis chez vous, et vous allez faire partie d’une communauté qui œuvre depuis de nombreuses années et nous voulons que vous veniez la voir. ».

Comment rompre un discours désormais ronronnant sur le vin ? Comment boire plus loin que le bout de son nez ? Peut-être en se rappelant que l’analyse œnologique est une forme de dissection post-mortem pour analyser les réussites, et échecs d’un millésime et d’une vinification, pas l’approche vivante d’une dégustation à table ou au comptoir. « Vers la fin des années 1970, sous la férule d’André Vedel, Max Léglise et Émile Peynaud, un vocabulaire le plus précis possible se fit jour. Le projet scientifique de l’époque visait un vocabulaire unique pour la dégustation » et « la conséquence de ce programme fut d’appliquer à la dégustation des vins les principes de l’analyse sensorielle » retrace le professeur Fabrizio Bucella dans son dernier livre, Trouvez le vin qui (vous) va bien (éditions Flammarion, 224 pages pour 22,50 €), qui a la particularité de se positionner « contre le fatras des descriptions olfactives absconses [pour ne parler] que du goût, pas trop de la vue, et fort peu des odeurs ».

Une approche iconoclaste que l’on trouvait dans le Guide des vins de Bordeaux de Jean-Marc Quarin (éditions Solar, 2011). Également critique du verre INAO, le dégustateur prône « la bouche avant le nez » pour profiter d’un vin : « l’imagination des verriers œuvrant, l’usage du nez connaît une véritable hypertrophie. Qui ne s’est pas senti isolé dans un groupe de dégustation en entendant évoquer l’odeur du cassis, du musc, de l’abricot et même de l’abricot de Californie ? […] Je ne crois pas à la communication sur le vin à travers ce type d’échanges, sauf entre spécialistes. Pour les autres, ils relèvent de représentations très personnelles qui font rarement sens. »

En bref, « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,

Et les mots pour le dire arrivent aisément » posait déjà Boileau, dans son Chant Premier de L'Art poétique (1669-1674), qui peut donner ce conseil à ceux voulant décrire un vin de prendre patience : « hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

Polissez-le sans cesse et le repolissez ;

Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »

 


 

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (9)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
BioRev Le 11 novembre 2023 à 10:45:59
Le problème vient de ce "consommateur" qu'il faut gagner ou ne pas perdre . C'est toujours une logique de marché. Pour être à la portée du plus grand nombre, il faut faire simple, se faire humble, perdre de sa superbe pour ne pas perturber le béotien, l'ignorant, le con-sommateur qui est sommé d'acheter. Le nez ou la bouche, là est vraiment la question? perdre un sens implique perdre du sens, donc à terme de la qualité et du marché. La qualité n'est-elle pas la vitrine de tout commerce ? Le vin est un produit complexe. Ce n'est ni un aliment, ni une boisson contre la soif, contrairement à la bière. Le mettre en bouche sans le sentir n'y changera rien. Même de médiocre qualité, le vin est un produit d'abord convivial puis festif, en concurrence avec les pétillants et...la bière. Côté convivialité le vin assure encore, grâce à son rituel sensoriel, sa gestuelle, qui permet l'échange de signes. En France, le pays des spiritueux et des fragrances, un vin se déguste avec les yeux, le nez et la bouche. C'est ainsi. Vouloir sacrifier les derniers bastions de notre culture au nom du marché est stupide, voire criminel. Ne vous étonnez pas que la viticulture perdre du terrain quand elle perd du sens. Le convivial est lié à la table (apéritif, pot, repas). Les moeurs anglo-saxonnes ont un peu défait ce lien traditionnel et le vin se consomme de plus en plus sans manger mais garde sa valeur conviviale. Le festif est dans le prolongement du convivial, quand l'alcool entre en jeu. Là, il faut respecter les règles. Ceux qui arrivent en tête sont ceux qui montent les 1ers à la tête, grâce aux bulles qui favorisent l'ivresse. Le vin a un temps de retard. C'est de la biochimie. Vouloir compenser par la quantité expose à des déboires... Donc, garder les vins "plats" et leur rituel pour la convivialité et faire des vins légers ou pétillants, même en rouge, pour le festif. Le marché du vin rouge pétillant est dominé par l'Italie, le Portugal, l'Australie et l'Afrique du Sud, les pays ensoleillés donc. Ce qui est aussi le cas de la France. Pourquoi le Languedoc ne s'y met-il pas?
Signaler ce contenu comme inapproprié
Josie Le 11 novembre 2023 à 08:42:14
Bravo pour cet article complet, précis qui ouvre Le champ des possibles dans la simplicité, conforte chaque individu dans leurs capacités. La simplicité avant tout.
Signaler ce contenu comme inapproprié
balda Le 10 novembre 2023 à 15:16:48
Ancien(c'est l'âge) dégustateur de cognac ou l'olfactif à une place prépondérante (l'alcool fait 70°), je me mets à la place du consommateur lambda qui entend des mots incompréhensibles et surtout jamais utilisés dans la conversation courante ! Messieurs les dégustateurs un peu d'humilité et avant tout essayez d'être simples et utilisez un vocabulaire à la portée de tous ! Vous y gagnerez en crédibilité ! Une bulle de mousse crayeuse
Signaler ce contenu comme inapproprié
Christophe Le 10 novembre 2023 à 14:18:41
La sagesse fait mettre le nez avant la bouche ! au risque d'avoir des surprises... je vois que l'Age a peu porté conseil à ce journaliste, pourquoi être élégant quand on peut être grossier... Beauf 2023 !
Signaler ce contenu comme inapproprié
La r?daction Le 10 novembre 2023 à 13:55:38
Bonjour Sophie, Merci pour votre commentaire. La référence à la chronique de David Castello-Lopes dans cet édito permet de donner un écho concret aux sentiments d'incompréhension et au sentiment de dialogue de sourd avec les sachants du vin, justifiant sa présence que vous regrettez. Bonne journée
Signaler ce contenu comme inapproprié
Sophie Le 10 novembre 2023 à 13:48:51
Cette chronique était une catastrophe et pour être humoriste, il faudrait d?abord être drôle. Accumulation de poncifs ultra-beaufs : le gars reste bouche bée quand on lui dit « floral », « bulle franche », « prise de mousse », « crayeux », il ne connaît pas le sens des mots ? Il n?est pas allé à l?école ? Il n?a aucune imagination ? Il a le palais et les fosses nasales en PVC ? C?est ça qui est « inécoutable » ? Et est-il vraiment obligé de ressortir le marronnier de l?expérience Morrot-Brochet-Dubourdieu en l?attribuant à quelqu?un d?autre et en la qualifiant de « truc génial » qui vient de sortir ? Votre article est bien tourné, était-il nécessaire de le faire commencer par cette désolante référence ?
Signaler ce contenu comme inapproprié
renaud Le 10 novembre 2023 à 13:37:03
Personnellement, lors de dégustations et devant des béotiens inquiets, je leur dis qu'il n'est pas nécessaire de connaitre le solfège pour aimer la musique. Evidement que les termes abscons sont là pour écraser sans partage. Balayons les frustrations de ne pouvoir mettre des mots sur des sensations. une seule règle en deux mots: plaisir et partage!
Signaler ce contenu comme inapproprié
Sophie MELCHIORE Le 10 novembre 2023 à 12:26:20
Apparemment les journalistes n'arrivent pas à mettre des mots sur leurs sensations nasales.. En même temps avec toute la cocaïne que la plupart prenne, leur nez est sans doute endommagé!
Signaler ce contenu comme inapproprié
Melchiore Sophie Le 10 novembre 2023 à 12:16:53
Du nez ou de la bouche lequel doit être premier.. Voilà donc votre propos.. Comme si la bouche devait être première quand on vous écoute. Vous embrassez avant de sentir quelqu'un donc... Intéressant. Faire place aux goulus plutôt qu'aux gourmets, aux lapins éjaculateurs précoces sans intérets, plutôt qu'aux artistes du désir, voilà donc votre positionnement? Quelle tristesse que vous assumez avec désinvolture... Le vocabulaire du vin fait appel aux cinq sens, vous n'avez pas de nez? Le Covid vous en a privé? Pourquoi mettre un ordre pour encore classer les gens? Vous aimez tant les guerres? Pourquoi vouloir cracher sur les nez? Moi je sens et ensuite je goute, j'ai un nez et une bouche, et je fais les choses dans l'ordre qui me correspondent pour avoir un désir parfait.
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDI UNION DE PRODUCTEURS DE ST EMILION
Côte-d'Or - CDI SC Domaine Louis LATOUR
Paris - Stage C&C France
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Edito
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé