’est fait : 125 000 euros ont été récoltés dans le délai de deux ans par la levée de fonds en ligne "Soutien à Alerte Aux Toxiques (AAT) et sa porte-parole Valérie Murat", après un regain d’activité notable ces dernières semaines. La cagnotte doit permettre à l’association antiphyto et sa porte-parole de déposer un appel d’ici le 10 novembre prochain* à la suite de leur condamnation par le tribunal judiciaire de Libourne à 125 000 euros de dommages et intérêts en février 2021 (avec une exécution provisoire) pour dénigrement du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CVIB) et 25 opérateurs bordelais après la parution de leur dossier d’analyses de résidus phytos de vins certifiés Haute Valeur Environnementale (HVE) en septembre 2020.
« Cela fait longtemps que j’attends ce moment » lance Valérie Murat ce vendredi 27 octobre à Bordeaux, aux allées Tourny devant le siège du CIVB. Grâce aux dons de 2 600 personnes et 28 organisations, l’association et sa porte-parole ont levé 142 809 € pour régler les condamnations pour préjudice moral et article 700 des 26 attaquants. Les chèques ont été adressés aux quatre avocats des plaignants ce matin même indique à Vitisphere maître Bruno Bouyer, défense de Valérie Murat, précisant que « le principal des dispositions exécutoires a été payé (sans les intérêts) » et qu’il a désormais envoyé des conclusions au « conseiller de la mise en état de la cour d’appel pour réinsérer l’affaire au rôle » et espérer reprendre son cours (l’appel ayant été déclaré dans les délais et justifiant désormais de l’exécution des dispositions financières et non-financières du jugement).


Apportant symboliquement un faux chèque géant de 125 000 € à l’accueil du CIVB, Valérie Murat l’annonce : « Le combat va reprendre, je peux vous le dire ». Et d’ajouter qu’« ils ont voulu nous bâillonner, nous empêcher d’aller en justice pour éviter soigneusement de parler du fond, de ce qui est pulvérisé sur les vignes pour produire du vin. Ils ont voulu nous bâillonner pour empêcher de mettre cette question sur le devant de la scène. Ils ont voulu nous bâillonner pour envoyer une menace à toutes les autres organisations, les citoyens et citoyennes qui voudraient aborder les effets des pesticides de synthèse sur la santé et l’environnement. » Pour la militante, « nous mettons fin au processus de ce procès bâillon et ce pour plusieurs raisons : pour que l’on parle enfin du fond de ce dossier : que met-on sur les vignes des propriétés labellisées HVE ? Pour empêcher de faire jurisprudence et d’interdire d’informer le public sur ce label qui permet l’utilisation de produits suspectés d’être Cancérogènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR) et/ou perturbateurs endocriniens. »
Réagissant aux rumeurs dans le vignoble bordelais sur sa propriété de vignes en fermage certifiées HVE, Valérie Murat ne cache pas son exaspération et répond n’avoir rien à voir là-dedans : « ce fermage a été signé lorsque mon père est tombé malade. J’en ai marre que l’on parle de moi : on a étalé ma vie privée (des avocats sont allés chercher des actes notariés de mon père et prendre des photos de la maison de ma mère). Pourquoi parler de moi qui suis smicarde et ne pas parler des autres qui sont de grands propriétaires siégeant dans les instances prestigieuses ? Pourquoi est-ce que l’on parle toujours de la victime et jamais de l’agresseur ? » poursuit-elle, voyant dans ces échos un témoignage du sexisme de la filière vin en particulier et de la société française en général.


Pour ses partisans, « il faut mettre fin à la stratégie de confrontation avec les organisations environnementales et cesser le feu avant de remettre une pièce dans le juke-box des procédures qui dégradent l’image des vignerons de Bordeaux » estime Dominique Techer, porte-parole de la Confédération Paysanne de Gironde, qui a abondé personnellement à la cagnotte (100 €) et rejette toute action préjudiciable aux vins de Bordeaux : « je ne joue pas contre le vignoble de Bordeaux*. En suivant le CIVB, les AOC ont a à peu près tout loupé… »
Ayant été sommée par les 26 plaignants de ne plus parler de HVE, Valérie Murat avait jusque-là « déserté les médias et les réseaux sociaux, elle ne prend plus la parole nulle part, c'est infiniment regrettable. Sa condamnation, très lourde, est hors de propos, intenable. Je ne peux que souhaiter que l'appel lui soit favorable » réagissait il y a quelques jours l’auteur Antonin Iommi-Amunategui, soutien de Valérie Murat et organisateur de salons (Sous les pavés la vigne). Regrettant « un rapport de forces complètement déséquilibré, où une lanceuse d'alerte, certes engagée mais sincère et à la démarche aussi sérieuse que légitime, a été littéralement muselée, notamment par le CIVB », Antonin Iommi-Amunategui estime « s'acharner à bâillonner l'une des principales voix à ce sujet, pour ce qui est du vignoble bordelais, est une faute historique. »
Contacté, le CIVB indique ne pas souhaiter commenter.
* : À ceux qui le critiquent en le présentant comme un retraité, Dominique Techer précise être encore gérant de deux sociétés viticoles.
Le regroupement des partisans de Valérie Murat devant le CIVB n’atteindra pas la foule composant la file d’attente du restaurant l’Entrecôte se trouvant de l’autre côté de la rue.