ntitulée « Manque de personnel dans la filière vin – le défi mondial de demain », l’étude du salon allemand ProWein résume les grands enjeux auxquels doit faire face le secteur, quel que soit le pays, pointant la sortie des « boomers » du marché de l’emploi et une arrivée trop timide des jeunes pour les remplacer. Le taux de natalité, en baisse, y est pour quelque chose, mais le Covid, des fluctuations saisonnières importantes et l’absence d’attractivité salariale dans une filière peu lucrative aggravent une situation devenue déjà difficile avant la pandémie.
Ce contexte se caractérise, cependant, par d’importants contrastes. Ainsi, le secteur CHR, notamment l’hôtellerie (90 %), s’avère être le plus impacté par le manque de personnel. Salaires peu rémunérateurs, difficultés de logement, heures de travail peu compatibles avec la vie sociale sont autant de critères qui ont poussé un personnel en chômage technique pendant la pandémie à changer de secteur. Et les difficultés pour combler des postes vacants perdurent en 2023. A contrario, les importateurs, distributeurs, exportateurs et cavistes rencontrent beaucoup moins de problèmes. Explication de l’étude : le personnel spécialisé dispose bien souvent d’emplois stables sans fluctuations saisonnières et des horaires de travail plus réguliers.
En amont de la filière, les producteurs souffrent, justement, d’une pénurie d’ouvriers saisonniers, pour 63 % d’entre eux pendant les vendanges et la période des vacances. Ce n’est pas nouveau mais d’autres facteurs viennent aggraver la situation : les retraites interviennent de plus en plus tard, les femmes travaillent de plus en plus et il y a de moins en moins d’étudiants en raison de la baisse de la natalité. De plus, les opportunités professionnelles se sont multipliées dans les pays d’origine traditionnels des ouvriers saisonniers, notamment en Europe de l’Est. La pénurie de main d’Å“uvre touche trois coopératives sur quatre, selon l’étude, les caves particulières pouvant faire appel plus facilement aux membres de la famille pour pallier des manques périodiques. Mais cet atout peut se transformer en arme à double tranchant : de nombreuses entreprises familiales ont déjà atteint leurs limites et, en proie à des soucis économiques, leurs dirigeants frôlent le burn-out et découragent la transmission à la génération suivante. Globalement, l’étude affirme que 77 % des caves en France recherchent du personnel qualifié de chai, devant la Californie (67 %), l’Allemagne, l’Autriche et le Portugal (50 %).
Autre conséquence des problèmes de recrutement : un tiers de l’ensemble des entreprises sondées a manqué ses objectifs en matière de qualité ou de service. Vendanges retardées impactant la qualité, fermetures forcées de bars à vins, de restaurants ou d’hébergements, et délais de livraison rallongés sont tous cités par les répondants, avec le potentiel de mettre en péril leur pérennité. En effet, ces deux dernières années, 36 % des entreprises ont été dans l’incapacité d’exploiter de nouvelles opportunités d’affaires ou ont dû réduire leurs objectifs de croissance. Devant faire appel à des prestataires de service ou à des sous-traitants, elles ont également vu leurs marges en pâtir. Pour d’autres, il a fallu embaucher du personnel non qualifié pour les former en interne, ce qui implique également des coûts supplémentaires. A cela s’ajoute, la nécessité d’augmenter les salaires pour retenir les salariés (23 %) et une amélioration des conditions de travail (35 %), le tout dans un secteur dont la viabilité économique était déjà qualifiée de « faible » par les auteurs de l’étude.
Enfin, pour tenter de surmonter ces problèmes, si certains chefs d’entreprises prévoient d’abandonner leurs vignobles ou leur activité économique, « car ils gagnent moins pour leur temps de travail que leurs salariés », d’autres envisagent plutôt d’automatiser le travail saisonnier. Une entreprise sur cinq a d’ailleurs déjà mis en Å“uvre des solutions d’automatisation et de digitalisation, « ce qui ne manquera pas de créer un avantage pour les vignobles en plaine », note l’étude. Plus de 50% des entreprises sondées pensent que ce processus va se poursuivre et que la filière dépendra à l’avenir de l’immigration et des saisonniers étrangers. Mais 51% estiment que la proximité de la nature et le côté naturel du vin pourront inciter de nouveaux salariés à rejoindre le secteur…