vec les décès accidentels de cinq saisonniers, la fermeture préfectorale de quatre hébergements collectifs après contrôles administratifs et l’ouverture de deux enquêtes pour traite d’êtres humains, la récolte 2023 laisse un goût plus qu’amer au vignoble champenois. Alors que les enquêtes judiciaires sont en cours et que les leçons collectives n’ont pas été tirées de ces drames individuels, pour la CGT Champagne les choses sont claires : « les patrons des maisons de champagne, avides de toujours plus de profits, font appel à des prestataires de services qui emploient des salariés étrangers, pour bon nombre sans-papier, pour effectuer les travaux de vendanges » indique un tract appelant à manifester ce mardi 3 octobre sur l’avenue de Champagne, à Épernay. Cette marche « des travailleurs bafoués, spoliés, exploités, maltraités, mal logés, mal nourris… » vise le siège du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV) pour « pour aller chercher la paye des salariés agricoles vendangeurs victimes d’esclavagisme moderne ! »
Cette demande s’appuie sur un courrier de la CGT* envoyé ce 22 septembre au SGV en réaction à l’affaire de traite d’êtres d’humains révélée à Nesles-le-Repon (Marne). Si les syndicats reconnaissant que « le travail juridique (pénal et prud’homal) demande du temps. Ce temps est préjudiciable pour ces ex-salariés maltraités qui ne sont à ce jour pas rémunérés. » Relogés à Châlons en Champagne et Reims, ces saisonniers « sont en situation vulnérable » plaident les syndicats qui demande au SGV « de bien vouloir rémunérer ces ex-salariés » comme le SGV représente les employeurs vignerons (charge partagée avec l’Union des Maisons de Champagne, qui fédère le négoce).


S’il semble qu’un courrier de réponse ait été envoyé aux syndicats, les présidents du SGV et de l’UMC donnent leur position dans leurs réponses à un récent entretien accordé à l’Union. Face aux hébergements indignes, « nous condamnons fermement ces comportements inqualifiables. Sans attendre, nous devons nous mobiliser pour que ces situations ne se reproduisent plus » pointe le président du SMC, David Chatillon, pour qui « quand nous entendons l’utilisation de termes tels que "esclavagisme moderne" dans notre région, nous ne pouvons qu’être choqués. Ces pratiques ne reflètent pas l’engagement d’une profession passionnée, mobilisée, concentrée pendant la période de récolte. Ces événements jettent injustement l’opprobre sur notre filière. »
Soulignant que « le temps du bilan n’est pas encore arrivé, mais la vendange 2023 a été plus difficile à gérer émotionnellement et humainement », le président du SGV, Maxime Toubart, annonce que « nous redoublerons d'efforts pour que de telles dérives ne se reproduisent plus. Les vignerons sont très affectés par ces affaires qui peuvent laisser penser que les abus et les mauvaises pratiques sont la norme, ce qui n'est bien évidemment pas le cas », car « tous les professionnels n'ont pas recours à des prestataires de service. De nombreux exploitants optent toujours pour le recrutement en direct. »


Un règlement des salaires impayés serait selon le courrier de la CGT « un signe que votre indignation se traduise par des actes concrets » répond le tract syndical, pour qui « il nous semble que vous êtes en mesure de répondre favorablement à cette exigence légitime ». Dans son tract appelant à manifester, la CGT Champagne ajoute que « les patrons des maisons de champagne annoncent une nouvelle année exceptionnelle, c’est bien la misère de tous ces salariés exploités qui engendrent leurs profits ! Comment en 2023 de telles pratiques peuvent encore exister ? »
* : Ce courrier a été signé par la CGT Champagne, la CGT Marne et la fédération nationale agroalimentaire et forestière de la CGT.