Le principal changement apporté par la loi Sempastous, c’est l’allongement des délais pour mener à bien une transaction, estime Me Philippe Laveix, notaire à Langon, en Gironde, et président de Jurisvin. Pour la vente de terres, le délai d’instruction de la vente et de la demande d’autorisation d’exploiter est de quatre mois, en principe. Dans le cas de la vente d’une société agricole – ce qu’encadre la loi Sempastous – le délai peut atteindre neuf mois. On est dans une situation paradoxale où on rallonge les délais d’opérations qui devraient être rapides. »
Pour Philippe Laveix, cet allongement peut poser des problèmes pendant la phase d’instruction. En effet, un dossier de cession d’une société signé en février peut très bien ne pas être bouclé pour les vendanges. « Pendant ce temps, qui gère l’exploitation ? Qui fera les choix de vinification ? », s’interroge le notaire.
À Montpellier, Michel Veyrier, gérant de Vinea Transaction, s’était opposé à cette loi lors de sa discussion, estimant qu’elle « remettait en cause le principe même de la liberté de propriété foncière ». Aujourd’hui, lui aussi dénonce la longueur des délais d’instruction. « C’est anti-économique, assène-t-il. Ce n’est confortable ni pour les salariés ni pour les clients des sociétés qui sont en vente. De plus, cette loi arrive au pire moment, quand nous rentrons en crise et qu’il est difficile de trouver des acquéreurs. »
Michel Veyrier estime par ailleurs que la loi va contribuer à démanteler de belles exploitations construites au fil des générations pour être rentables sur une surface donnée. « J’accompagne plusieurs ventes et acquisitions dans les Côtes du Rhône où il faut céder des terres pour que l’acheteur ne dépasse pas le seuil d’agrandissement autorisé, décrit-il. Dans un dossier, on prévoyait de rétrocéder des parcelles de syrah. Mais on s’est aperçu que, ce faisant, on ne respectait plus le cahier des charges de l’AOC. Il a donc fallu trouver d’autres parcelles à céder. Dans un autre cas, on doit vendre 10 ha d’une exploitation de 40 ha qui emploie trois salariés. Pour maintenir l’emploi de ces salariés, on négocie pour vendre seulement 5 ha. »
« Pour réduire les délais, de nombreux acquéreurs pourraient recourir, après négociation, à l’intervention de la Safer, prévoit Me Laveix. Mais il reste deux questions en suspens, non précisées dans la loi. Qui prendra en plus les charges d’intervention de la Safer dont on ignore toujours le tarif ? Et quelle sera la responsabilité de la Safer, notamment sur les insuffisances de garanties d’actif et de passif ? »
Les Safer, dont le rôle est renforcé par la loi Sempastous, se savent observées en cette période où elle se met en place. Contactée par La Vigne, la Safer Paca ne souhaite pas s’exprimer, les dossiers en cours n’étant pas bouclés. Elle envisage de le faire dès que le premier dossier sera instruit, « car nous savons à quel point il faudra être pédagogique sur ce sujet », indique-t-on.
La loi Sempastous instaure un contrôle administratif des ventes de parts des sociétés agricoles dès lors que deux conditions sont réunies : ces ventes portent sur plus de 40 % de droits de vote d’une société alors qu’aucun autre associé ne détient davantage de parts, et l’acheteur dépasse déjà le seuil d’agrandissement significatif fixé dans chaque département ou le dépassera à l’issue de la vente. C’est le préfet de département qui décide, avec avis de la Safer, d’autoriser ou non la cession et à quelles conditions. Les ventes de parts jusqu’au troisième degré de parenté inclus (neveux, nièces) ne sont pas concernées par cette loi.