’inquiétude monte dans le vignoble de Cognac où la crainte de nouvelles années noires serre le cœur de nombre d’opérateurs, du vignoble, des maisons et de leurs fournisseurs (prestataires, tonneliers, verriers…). « Les difficultés s’accentuent pour les viticulteurs, les maisons de négoce et c’est l’ensemble de l’écosystème territorial qui est touché » alerte dans un communiqué le conseil de bassin viticole Charentes-Cognac réuni ce vendredi 3 octobre. Si la Chine a validé cet été la mise en œuvre d’un prix minimum pour éviter une taxe maximale pour antidumping, le mal commercial est fait et continue de peser (alors que l’accès au duty-free n'est pas rétabli).
« Malgré de nouvelles perspectives à moyen terme, les développements géopolitiques récents concernant la Chine et les États-Unis [avec des droits de douane à 10 puis 15 %] n’entraînent pas un regain des exportations vers les principaux marchés du Cognac qui reste dans une situation commerciale difficile » résument la préfecture de région et le Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC), actant que « le risque d’éventuels excédents de vin reste présent ».
Pas de débordements
Ayant réduit le rendement commercialisable 2025 à 7,65 hectolitres d’alcool pur par hectare, l’interprofession chiffre actuellement la production moyenne d’eau-de-vie autour de 9 hl AP/ha. Face aux réductions d’achat du négoce, « il y aura au moins 100 000 hectolitres de vin sans débouché Cognac » avance Anthony Brun, président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC), qui estime que ces volumes ne vont pas « causer de perturbations aux autres vignobles français » avec la mise en réserve climatique, la commercialisation en jus raisin et la bascule en vin de France (3 600 hectares en Vin Sans Indication Géographique en 2025 à Cognac). Voire la possibilité de distillation de crise pour usages industriels. Pour le viticulteur de Saint-Bonnet-sur-Gironde, l’engagement fait à l’époque des 14 600 ha de plantations nouvelles* reste tenu : les excédents de Cognac ne débordent sur les marchés des autres bassins viticoles. Mais pour tenir cet équilibre, il va falloir réduire la voilure par l’arrachage.


Représentant 87 914 hectares de vignes à la production d’AOC Cognac en 2025, le vignoble charentais a déjà retiré 2 000 hectares par le nouveau dispositif de Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI, permettant de compenser un arrachage temporaire de parcelles sans débouchés commerciaux par une augmentation de rendement AOC sur le reste du parcellaire). Alors que le BNIC chiffre actuellement le besoin d’arrachage à Cognac, l’UGVC soutient la demande nationale d’arrachage définitif, dont les contours réglementaires et financiers ne sont pas finalisés (alors qu’un sondage national est en cours, sans évoquer de montant d’une possible prime ou de couplage avec une distillation). Mais le vignoble charentais veut que l’Europe aille plus loin pour lui : « le dossier antidumping chinois nécessite des dispositions complémentaires en majorant la prime d’arrachage. L’Union Européenne a reconnu que ce contentieux était en lien évident avec le dossier des voitures électriques et nous a dit devoir des mesures spécifiques à Cognac et à l’Armagnac » explique Anthony Brun.
En octobre 2024, la Commission Européenne indiquait en effet vouloir « identifier et évaluer attentivement toutes les possibilités d'apporter un soutien approprié aux producteurs confrontés à l'impact négatif de cette décision injustifiée du gouvernement chinois (outils répondant à des situations de perturbation du marché ou de menace de perturbation du marché) ». Pour Anthony Brun, cet engagement doit se traduire concrètement : « pour que l’arrachage fonctionne chez nous, l’Union Européenne doit compléter le dispositif national » pour Cognac. Pour bonifier les primes, la filière charentaise réfléchit également à un dispositif financé par ses soins. Le sujet de l’arrachage temporaire est également à l’étude, alors que la durée de vie des autorisations de replantation vient déjà d’être augmentée de 3 ans. « Nous travaillons depuis des mois à la création d’une boîte à outils adaptée à chacun » souligne Anthony Brun, qui appelle à des réponses rapides de la France et de l’Europe : « il faut aller vite » alors que l’inquiétude pèse toujours plus.
* : Avec 35 ha en 2016, 800 ha en 2017, 1 500 ha en 2018, 3 374 ha en 2019, 3 398 ha en 2020, 2 306 ha en 2021, 3 129 ha en 2022, 3 129 ha en 2023 et 100 ha en 2024.