e chiffre est marquant : 6 % des vignerons certifiés bio ou en conversion envisagent de quitter l’agriculture biologique d’ici cinq ans d’après la dernière enquête téléphonique du groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne (BPCE). Réalisée auprès de 1 251 agriculteurs, dont 384 viticulteurs ce début d’année (représentatifs de 48 000 exploitants), cette étude note que la progression des vignerons bio se tasse (à 19 % de certification bio de l’échantillon en 2023, +2 points par rapport à 2021), y compris pour les projets de conversion (6 % l’envisagent, -5 points par rapport à 2021). Et donc 6 % des vignerons certifiés bio envisagent de quitter l’AB d’ici 2028. Globalement, 51 % des viticulteurs sondés ont une certification environnementale, quand 12 % souhaitent en avoir une (-9 points par rapport à 2021). Actuellement, 41 % des viticulteurs sondés affichent la certification Haute Valeur Environnementale (HVE).
« Ça pose la question des besoins d’accompagnement pour aller vers d’avantage d’engagement agroécologique » note Perrine Lantoine, responsable de projets stratégiques au groupe BPCE, lors d’une conférence de presse, pointant des besoins supérieurs en main d’œuvre (29 %) et d’investissement dans du matériel (39 %), tandis que pour les agriculteurs en général, les sujets prioritaires portent d’abord sur les connaissances (26 %) et l’assistance technique (23 %). Les besoins d’investissements en main d’œuvre et en outils techniques se heurtent au contexte économique tendu pour les bios avec une « crise de croissance liée au marché de l’alimentation bio en France depuis 18 mois » résume Alain Tourdjman, directeur des études et prospective du groupe BPCE, pour qui « la question de la rentabilité est posée de façon pragmatique » sans qu’il y ait « l’impression qu’il y ait remise en cause » de la tendance du bio.
« 6 % c’est triste et dommage » réagit auprès de Vitisphere Philippe Gérard, le président de FranceVinBio, qui pointe qu’« il y a des gens qui s’aperçoivent que faire du bio n’est pas si facile. Il y a un recensement en cours, mais aujourd’hui on considère que les surfaces continuent de progresser avec de nouvelles conversions. Le nombre de déconversion ne semble pas catastrophique, ça n’indique pas un désamour du bio. » Pointant qu’l faut toujours voir le verre à 94 % plein plutôt que 6 % vide, le négociant note qu’il y a encore beaucoup de conversion dans les tuyaux : « il faudra voir la différence entre les conversions et les déconversions ».
« Les convaincus de l’agriculture durable le sont toujours et continuent à investir » confirme lors de la conférence BPCE Thomas Vassel, le directeur du développement pour Banque Populaire, qui note que « ceux qui viennent de basculer [bio] se posent des questions dans le contexte inflationniste et sur des positions économiques challengées [alors] qu’ils maîtrisent moins techniquement les trajectoires. La tendance de fond est là : charge à nous en tant que partenaire bancaire de savoir l’accompagner et l’inciter »


Le coup de frein pour le vignoble bio s’explique structurellement et conjoncturellement indique Perrine Lantoine. D’abord, « il faut avoir en tête qu’il y a un impact structurel du vieillissement. On voit très bien que l’engagement dans une démarche agroécologique chute assez nettement à partir de 55 ans. Ce n’est pas parce qu’ils sont contre, ils ont d’autres préoccupations qui prennent le devant. Le vieillissement structurel des exploitants a mécaniquement un impact sur l’engagement global dans l’agroécologie. » Mais l’analyste ajoute qu’« avec le choc inflationniste*, les problématiques de recrutement et d’énergie, etc. Notre hypothèse est qu’il y a eu d’autres priorités sur la pile et que s’engager dans une démarche agroécologique est une transformation engageante, ça peut être mis de côté. Ça ne veut pas dire qu’il y a un recul à court-terme » comme la conjoncture pourrait redevenir favorable.
* : 77 % des viticulteurs sondés déclarent avoir été touchés fortement par l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. Pour le groupe BPCE, « l’inflation a certes un double effet – hausse des coûts d’exploitation (énergie, intrants…) et/ou hausse, sur certains marchés, des prix de vente – mais elle est davantage associée, parmi les répondants, à une détérioration des chiffres d’affaires. Des effets négatifs qui l’emportent sur les effets positifs. »