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"La vigne ne pousse pas" : le désarroi des vignerons des Pyrénées-Orientales face à la rude sécheresse
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Déficit de pluviométrie
"La vigne ne pousse pas" : le désarroi des vignerons des Pyrénées-Orientales face à la rude sécheresse

Dans les Pyrénées-Orientales, la pluviométrie reste exceptionnellement faible. Les rameaux ont rapidement arrêté de pousser et des grappes ont coulé à cause de la sécheresse. Nous sommes allés à la rencontre de trois vignerons confrontés à cette situation extrême.
Par Frédérique Ehrhard Le 05 juillet 2023
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Avec son fils et sa belle-soeur, Guy Ferrer cutlive 55 ha en Gaec à Terrats, dans les Pyrénées-Orientales. Dans cette parcelle de marselan où la vigne a peu poussé, il y a eu de la coulure et les grains restent très petits. - crédit photo : Frederique Ehrhard
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n pourrait croire que c’est une bénédiction, mais ce n’est pas le cas ! « Cette année, nous n’avons pas eu besoin de saisonniers pour les travaux en vert, et l’écimeuse et la rogneuse sont, elles, restées sous le hangar, lance Guy Ferrer, vigneron coopérateur à Terrats, dans les Pyrénées-Orientales. D’habitude, à la mi-juin, nous courons pour finir le relevage. Pas cette année. En douze mois, il est tombé à peine 200 mm. La vigne ne pousse pas. Hormis quelques parcelles, nous n’avons quasiment pas de relevage à faire. »

"Quasiment pas de relevage à faire"

Avec son fils Yannick et sa belle-sœur Françoise, ils cultivent 55 ha en Gaec. L’an dernier déjà, les vignes ont souffert de la sécheresse estivale, mais elles ont réussi à amener leurs raisins à maturité. Le rendement moyen a atteint 38 hl/ha, un niveau plutôt correct pour ce terroir des Aspres. Cette année, Guy Ferrer sait déjà que ce sera beaucoup moins. « Il y a une belle sortie de grappes, mais est-ce que les ceps vont tenir le coup s’il ne pleut pas ? Pour l’instant, les orages nous évitent ! », déplore-t-il.

Puis il nous emmène voir ses vignes. Nous nous arrêtons dans une parcelle de marselan. « Regardez, la coulure a séché une partie des grappes et les grains restent très petits, observe-t-il. Il n’y a que quelques rameaux très courts. » Un bon tiers des parcelles sont dans cette situation. Dans les autres, il y a un peu plus de végétation, mais elle reste tout de même deux à trois fois moins volumineuse que lors d’année normale. Seuls quelques vieux gobelets de carignan supportent le choc.

Suppression des grappes sur les plantiers pour préserver les ceps

Voyant la sécheresse se prolonger, dès avril la famille a coupé toutes les grappes des plantiers jusqu’à la 4e feuille, afin de favoriser leur enracinement. « À trois, cela nous a pris une dizaine de jours pour 4 ha », précise Guy Ferrer. La question se pose maintenant de savoir s’il faut enlever une partie de leurs grappes aux vignes plus âgées, afin de les aider à nourrir les raisins qui restent. « C’est un gros travail, qui risque de ne servir à rien s’il ne pleut pas d’ici à la récolte », note-t-il.

Jusqu’à mi-juin, le temps est resté couvert et frais, ce qui a limité l’évapotranspiration. Depuis, la température grimpe tous les jours au-dessus de 30 °C, et les nuits sont de plus en plus chaudes. De ce fait, l’espoir d’une récolte correcte s’amenuise. Malgré cela, Guy Ferrer continue à soigner ses vignes. « Nous assurons les traitements contre l’oïdium pour protéger le peu de feuillage présent et nous fignolons le désherbage afin d’éviter toute concurrence pour l’eau. »

À la récolte, le vigneron se dit qu’il faudra peut-être vendanger à la main si la machine n’arrive pas à détacher les grains. « Nous pouvons encaisser la perte d’une moitié de récolte, pas plus ! Et l’an prochain risque d’être impacté, car il n’y aura que des brindilles à tailler sur les ceps qui vont végéter tout l’été avec de petits rameaux. »

Syrah, sols caillouteux… des îlots résistent

À une vingtaine de kilomètres au nord, dans la basse vallée de l’Agly, la pluviométrie est encore plus faible. « Depuis l’automne dernier, nous arrivons tout juste à 120 mm, relève Frédéric Guallar, vigneron coopérateur sur 20 ha à Espira-de-l’Agly. Personne n’a jamais vu ça ! L’automne dernier, j’ai observé des sarments morts. Les vignes n’avaient pas pu continuer à les nourrir, après avoir assuré un bon rendement de 55 hl/ha en pleine sécheresse. »

Début juin, un orage a apporté 17 mm. Mais cela n’a pas suffi à relancer la croissance de la végétation. Celle-ci présente un volume à peu près normal sur un tiers de la surface seulement. « La syrah se comporte mieux que les autres cépages. C’est étonnant ! », note le vigneron, en nous montrant une de ses parcelles. Autre surprise, les vignes sur sols caillouteux résistent mieux que celles sur les sols argileux. Pour nous en convaincre, il nous emmène voir un muscat à petit grain. « Voyez, il se débrouille, nous dit-il. J’ai fait un épamprage, alors que dans la plupart des autres parcelles il n’y avait pas de pampre. J’ai aussi relevé les fils, mais pas encore rogné alors que, d’habitude, à cette époque, je l’ai déjà fait deux fois. »

La végétation ne dépasse pas 20 à 30 cm

Dans d’autres parcelles, la hauteur de la végétation ne dépasse pas 20 à 30 cm. « Les grappes de ce macabeu en gobelet sont jolies. Mais y aura-t-il assez de feuilles pour les faire mûrir ? Pour les vins doux naturels, le raisin doit atteindre 15 ou 16 degrés. J’espère arriver à en produire, car avec peu de volume, ces vins doux assurent à eux seuls 40 % de mon chiffre d’affaires », indique Frédéric Guallar.

Il compte aussi sur l’assurance pour s’en sortir. « Quand j’ai vu que l’hiver était déjà très sec, j’ai souscrit un contrat multirisques climatiques. Une fois les aides déduites, cela m’a coûté 1 400 € pour 16 ha en production, avec une franchise de 20 %. Il reste à voir ce que j’arriverai à récolter et quel sera le montant de l’indemnité. »

Des ceps qui redémarrent

Troisième rendez-vous avec Pierre Pagnon. Basé à Torreilles, ce vigneron en cave particulière possède des vignes sur quatre secteurs. Dès notre arrivée, il nous conduit sur celui de Saint-Hippolyte, le plus touché par la sécheresse, où un orage tombé mi-juin a fait un peu de bien.

« Dans ce mourvèdre destiné à notre cuvée haut de gamme, certains ceps redémarrent leur croissance. Les apex ne sont pas tombés, il y a de l’espoir même si les rameaux restent encore courts », veut croire Pierre Pagnon. Depuis ce matin 23 juin, l’eau coule à nouveau dans l’Agly grâce à des lâchers du barrage en amont. « Cela va recharger la nappe présente à quelques mètres sous ces vignes », espère-t-il.

Avec sa sœur et son beau-frère, Pierre Pagnon cultive 70 ha. « Au quotidien, c’est compliqué d’avoir des vignes sur quatre secteurs, mais cela partage les risques. Les vignes ont mieux résisté à Torreilles, où nous espérons profiter de la belle sortie de grappes pour produire des IGP », note-t-il. Dans les trois autres secteurs, où ils élaborent des vins secs et des vins doux en appellation, la situation est très hétérogène.

Des grains tout petits

Toujours à Saint-Hippolyte, à côté du mourvèdre, un macabeu au stade 4e feuille n’a que quelques feuilles étalées avec des grains qui restent très petits. Un peu plus loin, une syrah et un grenache blanc, en 4e feuille eux aussi, ont bien meilleure mine. Le feuillage est plus abondant et les baies grossissent. « Ces parcelles qui entrent en production cette année vont peut-être nous aider à limiter les dégâts. Notre production moyenne est de 4 000 hl, mais ces dernières années nous avons enchaîné les petites récoltes et consommé toute notre trésorerie. »

Fin juin, comme ses deux confrères, Pierre Pagnon n’attendait qu’une chose : des pluies abondantes.

L’Aude très touchée aussi

Sur le littoral audois, la situation est également critique. « Mi-juin, beaucoup de sarments ne mesuraient que 10 à 20 cm. Les vignes étaient déjà en état de survie, avec de la coulure sur les grappes », alerte Philippe Vergnes, vigneron et président de la chambre d’agriculture. Malgré plusieurs arrosages, il y a déjà de la mortalité dans les plantiers. « Il va y en avoir aussi dans les vignes en production. Nous allons mettre en place une procédure de calamité pour ces pertes de fond. » Dans le reste du vignoble, des orages ont soutenu la croissance de la vigne tout en favorisant le démarrage du mildiou, très virulent cette année. « La récolte sera très petite, c’est sûr. Au moment où il faut rembourser les prêts de la période Covid et payer plus cher les intrants, cela va être très difficile, d’autant que les petits volumes en cave vont entraîner une forte hausse des frais de vinification. Pas question pour autant de baisser les bras. Nous avons des capacités de résilience ! », affirme Philippe Vergnes.

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