n septembre dernier, le Comité scientifique d’orientation « Recherche et Innovation » (CSO R&I) du plan Ecophyto a débloqué une enveloppe pour permettre à des chercheurs de travailler sur l’assurabilité des risques liés à la réduction de l’utilisation des phytos. Une aubaine pour Marc Raynal, ingénieur à l’Institut français de la vigne du vin (IFV). « Je me suis tout de suite positionné, en expliquant que nous étudiions déjà la question en viticulture ».
Depuis 2019, dans le cadre de Vitirev, cet expert de la santé du vignoble travaille sur « processus de traitement assurable » avec Groupama et les caves de Buzet et de Tutiac. Ses essais témoignent de la possibilité de réduire fortement les traitements phytos contre le mildiou et l’oïdium en s’appuyant sur des outils de modélisation et un soutien assurantiel en cas de pertes de récolte.
« Je n’aime pas entendre parler de résistance au changement des viticulteurs. Ils sont juste logiques. Pour eux, les fongicides restent l’assurance la moins chère. Ils ne leur coûtent que 3 centimes par bouteille » insiste Marc Raynal. Selon lui, la réduction de 50% des produits phytos voulue par le gouvernement est impossible sans accompagnement financier.
Le Comité ayant posé une condition de transversalité, il s’est associé à Luc Boucher, le dirigeant de Decid&Risk, une société indépendante spécialisée dans la gestion des risques en agriculture. « Nous avons lancé en mars 2023 le projet Arrupvico, acronyme d’« Assurabilité des risques liées à la réduction de l’utilisation des phytos sur vigne et colza » ». Entouré de statisticiens, d’économistes et de météorologistes, le binôme a 30 mois pour développer une interface numérique permettant à l’agriculteur et son assureur de communiquer en toute confiance. « Il s’agira par exemple de garantir que le viticulteur a bien suivi les préconisations de traitement basées sur l’outil Décitrait et le cahier des charges de l’assurance. Il faudra aussi que l’outil garde en mémoire toutes les prévisions météo. Si le viticulteur décide de ne pas traiter parce que du beau temps est annoncé mais que la météo change au dernier moment, l’assurance doit pouvoir le vérifier » illustre Marc Raynal.
Contrairement à celles liées au gel ou à la grêle, les pertes de récolte liées au mildiou, au black rot ou à l’oïdium sont très difficiles à évaluer par une expertise humaine. « Nous allons vraisemblablement travailler sur une assurance indicielle, en se basant sur la météo et l’épidémio-surveillance réalisée sur des témoins non traités » poursuit l’ingénieur. Son équipe va construire un indicateur de l’occurrence des trois principales maladies fongiques en compilant des données accumulées depuis les années 1950 et calculer les pertes qui y ont été associées sur un réseau de parcelles non traitées. « Nous tenterons également d’anticiper l’évolution de la fréquence des épidémies dans un contexte de réchauffement climatique » explique Marc Raynal.


Il restera ensuite à faire évoluer le cadre réglementaire, l’assurance maladies n’étant pour l’heure pas cumulable avec l’assurance multirisque climatique des récoltes. Et, selon les deux experts, un tel système ne pourra voir le jour qu’en étant subventionnée par les pouvoirs publics. « Je vois mal un groupe privé assurer une prise de risque impulsée par l’Etat. Le métier d’un assureur est de nous faire prendre toutes les précautions pour que l’on n’ait pas d’accident de voiture ou pour ne pas se faire voler. C’est l’inverse que l’Etat demande aux viticulteurs » conclut Marc Raynal.