ur le terrain de rugby, on parle de donner match gagné sur tapis vert. Dans les prétoires, on juge de donner droit à une exception de nullité. Ce vendredi 16 juin au tribunal judiciaire de Paris, la dix-septième chambre, celle de la presse, se base sur un incident de procédure pour mettre un terme aux poursuites lancées pour « injures publiques » par la militante Maryse Arditi et trois organisations écologistes (association Ecologie du Carcassonnais des Corbières et du Littoral Audois, ECCLA, avec France Nature Environnement, FNE, et Confédération Paysanne) à l’encontre de Frédéric Rouanet, le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude (SVA), pour la validation du communiqué de presse du 4 juin 2020 intitulé « comme en 40 : quand les écolos veulent la guerre ».
Une communication pour le moins musclée, qui s’inscrit dans le contexte tendu de demande de traitement dérogatoire par les airs des vignes lors du pluvieux printemps 2020. Réagissant à des propos des plaignants, le SVA estimait que « tout vigneron qui fera appel aux hélicoptères sera crucifié en place publique. […] Voilà que Maryse Arditi, Présidente de l'association ECCLA, fait l’apologie de la délation : "Soyez vigilant. Si vous voyez un hélico déverser des produits, prenez des photos de l’hélico, du nuage, mais aussi de l’état du sol et alertez- nous. […]" Comme en 40 ! Les collabos sont de retour, à la solde de la nazi-écologie ! Mais ne vous y trompez pas ! La stratégie populiste de ces antitout - FNE en tête, suivie par les petits soldats de la Conf’ - n’a qu'un seul but : faire crever l’Agriculture française ! »
Suivant les conclusions de nullité de la défense, la chambre de la presse ne se penchera pas sur le fond du dossier en estimant que la plainte déposée à l’encontre de Frédéric Rouanet n’est pas conforme à l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sa rédaction étant jugée trop évasive en ne qualifiant pas précisément les supports poursuivis. D’après la lecture du dossier par le tribunal, la plainte alterne de manière ambigüe les évocations du communiqué de presse et de ses reprises dans les médias (notamment France 3 région et Actu.fr, mais aussi FaceBook), ce qui est source d’incertitude pour les juges (ce flou ne permettant pas de garantir les droits de la défense).
Restant en défense, le Syndicat des Vignerons de l’Aude ne souhaite pas commenter immédiatement la décision de justice. Les parties civiles ont 10 jours pour pouvoir faire appel de cette décision. Leur avocat, maître Benoist Busson, indique à Vitisphere que Maryse Arditi a déjà décidé de se porter en appel. « Nous sommes sur de la pure procédure. Lle tribunal me reproche de viser les injures contenue à la fois dans un communiqué de presse et à la fois sir le site internet de France3. Cela avait déjà été soulevé par le procureur devant le juge d’instruction, qui avait pour ce motif rendu une ordonnance de non-lieu. J’ai fait appel et la chambre de l’instruction m’a donné raison. La cour d’appel, voire la Cour de cassation auront le dernier mot » indique l'avocat, pour qui « Monsieur Rouanet veut éviter le débat de fond, sur l’injure c’est de bonne guerre, mais ça veut dire aussi qu’il n’assume pas ».


Dans leurs conclusions, la militante et les trois organisations écologistes estimaient que l'arrêt de la chambre de l'instruction suffisait à entériner la conformité de la plainte à l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881. Dans un communiqué publié en juin 2020, les plaignants dénonçaient dans le communiqué du SVA « une rhétorique guerrière, accumulant les procès d'intention, les caricatures et les insultes publiques », dénonçant « l'insulte de trop », ils estimaient qu’« il faut être aveugle pour confondre le droit à l'information des riverains, ou nos activités de lanceurs d'alerte, avec la collaboration sous le régime nazi. Ce type de propos désignant nommément une personne qui, de notoriété publique, a vécu la chasse aux juifs pendant la guerre, et dont le père est mort en déportation, ne peut être accepté et doit être puni fermement. »
Lorsqu’une première date d’audience a été connue fin 2022 pour ce dossier, le SVA a défendu dans un communiqué « le droit de traiter les vignes par voie aérienne alors que celles-ci étaient inondées par plus d’un mètre d’eau ». Interrogé par Vitisphere, Frédéric Rouanet assumait ses responsabilités : « certes ces propos sont un peu forts, mais honnêtement nous avions passé quatre jours au téléphone, sans dormir, auprès de trois ministères différents pour obtenir la dérogation. Et on se prend le coup d'un appel à prendre des photos, il y en avait marre. » Au final, la signature de la dérogation étant arrivée 4 jours après l'annonce, les traitements n’ont pas été réalisés en hélicoptères, mais en chenillard. Face à ces délais administratifs et aux invectives qui ont suivi, on aurait clairement pu parler de défaite sur tapis vert…