lles s’appellent Agriconomie, Agrileader, Agrilisa ou Viticost. Les plateformes d’e-commerce raflent chaque année de nouvelles parts de marché dans la vente de produits phytos pour la viticulture, au nez et à la barbe de la distribution traditionnelle.
L’interdiction, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, d’assortir d’un conseil la vente de produits phytos a tout naturellement tendu la main à cet e-commerce décomplexé, de surcroît ouvert 24h/24, dimanche compris. « Cette législation a forcément eu un impact dans le développement de nos ventes, estime Arthur Verkinderen, responsable des approvisionnements chez Agriconomie. Parallèlement, le frein imposé à l’innovation dans les produits phytosanitaires fait que les viticulteurs sont déjà familiarisés avec l’offre du marché. » Ces derniers sont donc plus enclins à acheter en toute autonomie.
Agriconomie annonce 110 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 10 % réalisés avec des produits et fournitures pour la viticulture. Cette plateforme sise dans la Marne est, à l’origine, centrée sur les grandes cultures. Cette année, elle met le paquet pour se déployer en viticulture en développant largement son offre de produits phytos pour la vigne et en investissant dans des fichiers. « Nous avons nourri nos bases de données et totalisons désormais 27 000 prospects et clients viticulteurs, dont 2 000 qui effectuent au moins trois commandes par an », dévoile Arthur Verkinderen.
Début mai, la plateforme se disait particulièrement sollicitée pour des fongicides. « On sort d’une campagne herbicide qui a bien marché, on a aussi vendu beaucoup de Spotlight plus et Sorcier, pour l’épamprage », remarque Arthur Verkinderen.
Agrileader, qui a ajouté les produits viticoles à sa carte d’appros dès 2004, dit être sollicité chaque année par de nouveaux viticulteurs. « Cet hiver, nous avons bénéficié de l’inflation, qui a incité les viticulteurs à comparer les prix », confie Nicolas Brut, responsable de la plateforme lyonnaise de cette entreprise dont le siège se trouve à Saint-Lô, en Normandie.
Si le prix n’est pas l’unique moteur de l’achat en ligne, il reste le nerf de la guerre. La plateforme girondine Viticost annonce la couleur, avec son slogan « La viticulture de demain, au meilleur prix d’aujourd’hui ! ». Chez Agrileader, Nicolas Brut remarque que « certains clients prennent tous leurs phytos sur notre plateforme, d’autres choisissent en priorité les produits significativement moins chers que chez leurs fournisseurs locaux ». Aussi les plateformes travaillent leur compétitivité. « Notre ambition est de restituer de la valeur au producteur, nous y parvenons en supprimant les intermédiaires et en achetant directement auprès des fabricants », assure Arthur Verkinderen.
Chez Agrileader, Nicolas Brut annonce des prix de 10 à 20 % moins chers que dans le circuit traditionnel, sur l’ensemble de sa gamme phyto. Agriconomie va plus loin en annonçant des écarts de 10 à 30 %. « Sur place, un viticulteur Champenois paie ses produits plus cher qu’un Bordelais, établit Arthur Verkinderen. Mais chez nous, le prix est le même pour tous. En Champagne, nous sommes environ 30 % moins chers que la distribution traditionnelle. Et nos tarifs sont transparents. Dès qu’un utilisateur a créé son compte et envoyé son Certiphyto via le site, il a accès aux prix de tous nos produits. » Si la plateforme avoue ne pas être parvenue à contenir certaines hausses, elle annonce le 22 mai « quelques phénomènes de déflation, notamment sur le glyphosate ».
Autre critère propre à faire pencher la balance : le délai de livraison. En tant que pure player, c’est-à-dire exerçant uniquement en ligne, Agriconomie réduit les coûts de fonctionnement et peut se concentrer sur une logistique performante. Résultat, l’entreprise affirme « livrer partout en France dans un délai de 24h ». Agrileader livre à partir de sa plateforme logistique de 5 000 m2 en Normandie, en 1 à 4 jours, via un service de messagerie. Et pour ceux qui peuvent attendre, « nous organisons deux tournées de livraison chaque mois, gratuites dès 600 € d’achat », ajoute Nicolas Brut.
« Nos clients sont des professionnels qui ont repris du pouvoir de décision par rapport à leur coopérative ou négoce d’appros », juge Arthur Verkinderen. Pour autant, chez Agrileader, Nicolas Brut précise qu’il privilégie toujours l’échange téléphonique. « Nous précisons à nos clients les solutions qui nous paraissent adaptées sur les plans technique, réglementaire et économique, ce qui les conduit parfois à choisir un autre produit que celui qu’ils envisageaient initialement. On n’a pas le droit de choisir le produit à la place des clients, mais nous souhaitons éclairer leurs décisions, d’autant que nous avons l’obligation de les informer sur les produits que nous vendons. » Achat en autonomie ou conseillé, le juste milieu peut être délicat à trouver.
Le site www.Aladin.farm est la réponse des coops d’appro traditionnelles à l’offensive des pure players dans la vente des phytos. Cette plateforme de vente en ligne regroupe 24 partenaires parmi lesquels Ocealia, Inovitis, Vivadour, Cavale ou encore Val de Gascogne, et propose des produits de protection de la vigne depuis son lancement en 2019. En croissance, la part des produits autorisés sur vigne représente 15 % de son chiffre d’affaires en herbicides, 30 % de ses fongicides et 35 % de ses insecticides. Dans le sud de la vallée du Rhône et en Provence, le groupe Perret, leader centenaire de la distribution agricole, travaille aussi à se positionner sur le terrain numérique.