éparer vente et conseil des produits phyto va-t-il permettre de réduire les quantités de produits pulvérisés? Chez Éric Darles, oui. Ce viticulteur d’Irancy (89), propriétaire de 12,5ha, a devancé de un an la loi de séparation. «C’est notre fournisseur qui nous conseillait. Nous avons changé dès la campagne 2020. Nous avons pris le technicien de la chambre d’agriculture, car il intervenait dans notre groupe 30000. Cela présente un double avantage: il nous connaît et son coût est pris en charge dans le cadre du groupe.»
Éric Darles bénéficie désormais d’un conseil personnalisé chaque début de campagne, et de conseils de groupe tout au long de la saison. « Cela nous permet aussi d’être cohérents avec le groupe et de rentrer pleinement dans la baisse des phytos. Désormais, nous n’utilisons plus de CMR », détaille-t-il. Et de préciser : « nous avions une très bonne relation avec notre fournisseur, il ne poussait pas à surconsommer. Mais il y avait des habitudes ».
Vincent Royet, vigneron à Couches (71), a lui préféré se débrouiller seul. « Le distributeur qui nous conseillait a choisi la vente. Nous n’avons pris personne d’autre. On s’est basé sur notre expérience et sur des outils d’aide à la décision. Mais vu la pression de maladies cette année, on ne s’est pas posé mille questions... » Ce producteur de bourgogne reste dubitatif quant à cette séparation. « Cette règle sous-entend que les agriculteurs, comme les revendeurs, ne savent pas faire la part des choses. Pourtant, on voit bien que les pratiques ont largement évolué, d’un côté comme de l’autre. Cette loi me paraît un peu à contretemps. »
À quelques kilomètres plus au nord, Gilles Lafouge abonde dans son sens. Ce vigneron d’Auxey-Duresses (21), estime que « les distributeurs de Bourgogne ont les pieds sur terre. Ils ne poussent pas à la consommation». Exploitant sur 10 ha, il est depuis longtemps conseillé par sa chambre d’agriculture. Mais il appréciait les précisions de son fournisseur la coopérative Bourgogne du Sud en complément.
« On entretient de très bonnes relations avec eux, explique-t-il. Leur avis était une deuxième source d’information pour nous. Mais suite à la séparation, le technicien a appelé pour dire qu’il ne pourrait plus nous conseiller. Nous avons donc une vue un peu moins précise désormais, malgré les conseils très pertinents de la chambre d’agriculture. Je trouve cette règle un peu radicale. » Même si, il faut le reconnaître, « il y a toujours un peu de conseil informel. Si je pose une question à mon fournisseur, il ne me dit pas dire “joker”. Il me répond quand même. »
Même constat de la part d'Olivier Bernardet, vigneron à Barsac (33). Lui a depuis longtemps choisi le conseil indépendant, mais reçoit encore « quelques conseils des fournisseurs, via les newsletters, par exemple ». Un autre viticulteur de Gironde, qui souhaite conserver l’anonymat, confirme que la séparation n’est pas encore entrée dans les mœurs. « J’ai toujours pris conseil chez mon fournisseur. Officiellement, il a séparé ses activités. Je ne sais pas comment il s’est organisé, mais cela n’a rien changé rien pour moi : c’est toujours le même numéro que j’appelle. »
Entérinée en 2018 dans le cadre de la loi Egalim, la séparation de la vente et du conseil phytosanitaires s’applique depuis le 1er janvier 2021. Une mesure destinée à « garantir l’indépendance du conseil délivré aux agriculteurs » et à « prévenir tout risque de conflit d'intérêts », selon le ministère de l’Agriculture. Les coopératives et négoce d’appro ont ainsi dû se réorganiser, et choisir entre activité de vente et activité de conseil.