« Je ne m’attends pas à ce qu’on souffre d’un manque d’eau cette année en Italie », pose, d’emblée, celle qui fut nommée meilleur œnologue italien en 2019. « Nous avons assisté à des précipitations relativement importantes, ce qui ne s’était pas produit ces dernières années. Dans tous les cas, à l’heure actuelle, nos réserves hydriques sont suffisantes, donc potentiellement la récolte pourrait être bonne ». Il restera toutefois à mesurer l’impact des pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Nord du pays ce mois-ci, provoquant des glissements de terrain et de vignobles, et entravant le travail dans les vignes. Outre les précipitations, le mercure est resté à des niveaux modérés et le risque de gelées semble désormais écarté. « Pendant Vinitaly, les températures ont bien baissé mais les mesures mises en place - les feux de paille ou de sarments par exemple - ont porté leurs fruits ». Il faut dire que l’on constate des gelées plus tardives en Italie, incitant certains vignerons à repousser les opérations de taille. « Au cours des cinq dernières années, nous avons subi des pertes de récolte à cause des gelées », confirme l’œnologue.
Ce n’est pas le seul changement qu’a constaté Barbara Tamburini, qui conseille plus d’une dizaine de propriétés en Toscane et en Sicile, au cours de sa carrière. « En 2000, lorsque j’ai fait mon premier millésime en tant qu’œnologue, la problématique consistait à atteindre les niveaux d’alcool requis grâce à l’enrichissement. Aujourd’hui, c’est l’inverse ». Les fenêtres de tir pour les vendanges se sont bien resserrées et les stratégies mises en place pour lutter contre les effets du changement climatique se multiplient. « Chaque année, nous découvrons de nouvelles stratégies à employer. Nous recherchons de l’eau en profondeur, nous utilisons l’irrigation - pour des raisons qualitatives et non quantitatives - nous sélectionnons des porte-greffes susceptibles de retrouver de la fraîcheur en profondeur et des clones qui résistent mieux à des températures plus élevées, et nous effeuillons moins lorsqu’il n’y a pas de problèmes d’humidité ou de circulation d’air ». Pour maîtriser la teneur en alcool, l’œnologue conseil laisse une grappe supplémentaire désormais sur les pieds : « Auparavant, nous avions un kilo de raisins par pied mais désormais nous sommes passés à 1,1 ou 1,2 kg ».
Certains vignerons font aussi le choix de monter en altitude : « Evidemment, sur les zones côtières cette transition n’est pas possible mais à l’intérieur des terres en Toscane, quand ils le peuvent, les producteurs choisissent cette solution ». Si Barbara Tamburini ne s’attend pas à une révolution en matière d’encépagement, elle prévoit une évolution au cours des années à venir, notamment en faveur des cépages autochtones. « Ce que nous avons constaté, c’est que dans tout le pays, les cépages autochtones sont gagnants puisqu’ils sont mieux adaptés », affirme celle qui a été surnommée la « regina del merlot ». « En Sicile, par exemple, il est beaucoup plus difficile de travailler avec du chardonnay qu’avec du grillo. En Toscane, le sangiovese se préserve mieux contre les effets du changement climatique que le merlot. Lorsqu’il fait très chaud l’été, la période optimale de récolte pour le merlot est très restreinte - en 24 heures, on peut basculer vers des arômes confiturés ou en surmaturité, alors que le sangiovese est beaucoup moins fragile ». Chef de cave chez le principal producteur de vins en Sicile - le groupe Duca di Salaparuta - Barbara Tamburini s’est d’ailleurs donné comme mission de sublimer le potentiel des cépages autochtones afin d’élaborer des vins qui expriment le caractère unique de leur terroir. « Je ne peux imaginer le nero d’avola en dehors de la Sicile. Certes, il a la capacité de faire de bons vins ailleurs, mais c’est en Sicile qu’il atteint l’excellence ».