Une carte d’indice de végétation, c’est joli, mais ça ne sert pas à grand-chose », plaisante Pierre-Christophe Mesnil, directeur technique de Scanopy, lors d’une demi-journée de démonstration organisée le jeudi 20 avril à Peyrole, au V’innopôle Sud-Ouest, par la chambre d’agriculture du Tarn.
Lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt d’Occitanum, son entreprise a eu pour mission de concevoir un outil capable de transformer des cartes de vigueur issues de drone ou de satellite en cartes de modulation de la fertilisation. Le but étant d’intégrer ces dernières dans des consoles de guidage GPS afin qu’elles gèrent automatiquement des apports différenciés d’engrais « pour corriger les différences de vigueur intraparcellaires », explique-t-il.
Pour expliquer son outil à la trentaine de personne présentes ce jour-là, Pierre-Christophe Mesnil part des parcelles du V’innopôle déjà cartographiées : « D’abord, il faut choisir les parcelles que vous souhaitez fertiliser. Ensuite, notre interface réalise automatiquement le zonage de vigueur qui lui paraît le plus pertinent. »
Il poursuit en cliquant sur un nouvel onglet. « Ici, vous pouvez soit indiquer la quantité totale d’engrais que vous souhaitez épandre, soit une dose moyenne à l’hectare. » C’est cette deuxième option qu’il prend. Il indique 260 kg/ha. À partir de là, les cartes d’apports différenciés apparaissent. Par défaut, le logiciel définit trois zones de vigueur et donc trois doses d’engrais à appliquer. Mais l’utilisateur peut demander deux à sept zones et doses d’épandage. Il peut aussi choisir l’intensité de la modulation, c’est-à-dire l’écart entre la dose minimale et maximale.
Dans le cas présent, Pierre-Christophe Mesnil reste sur trois doses avec une modulation de plus ou moins 30 % par rapport à la moyenne. « Avec ces paramètres, l’épandeur mettra 182 kg/ha sur les zones les plus vigoureuses, 338 kg/ha sur les moins vigoureuses et 260 kg/ha en moyenne. »
Une fois la configuration réalisée, « il n’y a plus qu’à transférer les fichiers générés par la plateforme sur une clé USB et à les intégrer à la console du tracteur », assure Pierre-Christophe Mesnil, avant de passer à la pratique.
C’est Pascal Pelissou, vigneron sur 70 ha de vignes à Brens (Tarn) et coopérateur à Vinovalie, qui est préposé à la première démonstration. Il grimpe dans un Fendt équipé de son épandeur Kuhn qui possède sa propre console pour commander les trappes d’écoulement de l’engrais. Mais pour moduler l’apport, Pascal Pelissou a dû acquérir en plus une console de guidage Trimble pour 2 500 €.
Le vigneron, qui a déjà chargé la carte Scanopy de la parcelle dans sa Trimble, démarre. Il entre dans un rang. Mais il faut attendre une petite piquetée avant que les trappes ne s’ouvrent et que l’épandeur disperse son engrais. Après avoir fait quatre rangs, Pascal Pelissou s’arrête. « Il y a eu un petit problème au départ. Il vaut mieux configurer l’antenne pour que l’épandeur démarre vraiment dès le premier pied », explique-t-il.
En passant dans les vignes, difficile de constater la différence d’épandage d’une zone à l’autre. Pour s’en faire une meilleure idée, ni une, ni deux, nous montons dans le tracteur. Pascal Pelissou repart. La console Trimble indique en permanence où l’on se trouve, tantôt dans une zone vert foncé, tantôt dans une zone vert clair ou rouge, tandis que la console Kuhn indique la dose d’engrais épandue – 182, 286 ou 338 kg/ha, selon l’endroit – sans que Pascal Pelissou n’ait à s’en occuper. Il veille simplement à rester entre 7 et 8 km/h.
À quelques mètres de là, Matthieu Costes, vigneron coopérateur à la Cave de Labastide-de-Lévis, à Sainte-Croix (Tarn), conduit le deuxième tracteur. Celui-ci est équipé d’un épandeur Aguirre (13 000 €) et d’une seule console Topcon (4 500 €) qui gère à la fois l’épandeur et la modulation. Une configuration qu’il teste sur son exploitation de 17 ha.
« Une fois qu’on a généré les cartes, il y a quelques manipulations à effectuer pour les transférer dans la console. J’ai dû me faire aider pour cela. Je suis parti de cartes satellite. Comme elles ne sont pas géolocalisées très précisément, il a fallu reprendre des zonages à la main pour exclure des tournières et bien indiquer les derniers pieds de certaines parcelles », indique-t-il. Ces obstacles franchis, l’outil Scanopy fait le travail et se présente comme une nouvelle étape pour la modulation de la fertilisation des vignes.
Et à ceux qui n’ont pas de console, Scanopy propose de moduler l’épandage en jouant sur la vitesse d’avancement du tracteur. Dans ce cas, l’entreprise fournit une application smartphone indiquant au chauffeur la vitesse à suivre à l’endroit où il se trouve. « Si je passe moins de temps dans une zone, je mets moins de produit », explique Pierre-Christophe Mesnil, tout en avertissant : « Les GPS des smartphones sont bien moins précis que ceux des consoles de guidage. »
Scanopy commercialise son service par abonnement. Pour ceux qui possèdent déjà des cartes de vigueur, le coût s’élève à 20 €/ha/an. Si Scanopy doit réaliser la cartographie, il facture le même tarif en partant d’images satellitaires et 60 €/ha/an pour des images de drone. Cette différence provient du coût d’utilisation du drone. En contrepartie, ces images indiquent précisément les bouts de rang, ce qui n’est pas le cas des images satellitaires. Avec ces dernières, il faut reprendre les cartes pour indiquer où se terminent les rangs.