Avec les réserves collinaires, on sécurise l’approvisionnement en eau de tout le monde. Il ne faut pas opposer l’environnement et l’agriculture ». Au lendemain d’un week-end marqué de violents affrontements entre forces de l’ordre et militants anti-bassines dans les Deux-Sèvres, Laurent Denise a plaidé pour une gestion harmonieuse de l’eau, au service des cultures et des populations, lors des Rencontres nationales des Vignerons indépendants le mardi 28 mars à Amboise.
Selon ce spécialiste des liens entre climat, eau et biodiversité, les retenues collinaires permettent de garder l’eau là où on en a besoin, plutôt que de la laisser partir vers les cours d’eau puis vers la mer. « Et quand l’eau va à la végétation et aux cultures, surtout l’été, cela génère ensuite des pluies. 70 % des pluies proviennent de l’évapotranspiration. Plus les cultures et les végétations sont vertes l’été, plus elles transpirent. Irriguer l’été, y compris du maïs, coûte moins cher que de lutter contre des incendies. Lesquels sont provoqués par la sécheresse des sols nus et des plantes en stress hydrique », explique Laurent Denise.


Pour ce chercheur indépendant, qui est aussi récemment intervenu devant des agriculteurs de la Coordination rurale, « l’absence de couverture végétale sur les sols dérègle le cycle de l’eau. Plus c’est vert, plus il pleut. Un arbre feuillu évacue 60 % de la chaleur et transpire. Au milieu des arbres, il peut faire 25°C, lorsque le sol nu montera à 47°C. Au niveau d’un couvert végétal, la température sera de 29° ». Laurent Denise préconise de ne pas « laisser sécher les couverts » et de ne pas les détruire. Quant à la vigne, « elle peut descendre jusqu’à 100 m pour trouver de l’eau et elle reste verte l’été ». On peut aussi l’irriguer... « Ce n’est pas l’irrigation qui assèche les nappes phréatiques, ce sont les prélèvements urbains, lance Laurent Denise. Si les eaux usées des populations et des industries étaient correctement recyclées avant d’être renvoyées vers les bassins versants et les sols, on pourrait couvrir les besoins de l’agriculture ». Il plaide pour une « taxation des rejets d’eau dans les rivières ».
Les positions de Laurent Denise ont fait réfléchir nombre de vignerons lors de ces Rencontres. Adhérent aux Vignerons indépendants et installé près de Chinon, Charles Pain voudrait que cela puisse conduire aussi d’autres acteurs à se remettre en cause. « Je montrerais bien la présentation de M. Denise aux élus locaux afin de leur montrer l’impact des prélèvements urbains dans les nappes phréatiques et la nécessité de bien recycler les eaux usées ».
Ce vigneron à la tête de 58 hectares et récemment passé au bio n’irrigue pas ses vignes l’été, l’irrigation en viticulture n’est pas (encore ?) un sujet en Val de Loire, mais il a recours à l’aspersion pour les protéger du gel. « Notre étude d’incidence pour notre réseau d’aspersion a prouvé que 95 % de l’eau prélevée dans la rivière locale revenait à sa source, a-t-il expliqué à lors de ces Rencontres, dans le cadre d’une visite de son domaine. Nous n’avons donc pas de contrainte pour y pomper de l’eau jusqu’au 15 mai. Les prélèvements pour aspersion anti-gel ne sont pas comptabilisés dans la consommation d’eau par l’agriculture, contrairement aux irrigants l’été. Mais pour pomper dans des étangs, nous devons respecter une contrainte liée au débit dans les ruisseaux ». L’aspersion consomme en moyenne entre 35 et 40 m3 d’eau par ha et par heure. Mais sur l’AOC Chinon, des vignerons ont des systèmes plus récents et plus économes, autour de 12 m3/ha/h.