i certains agriculteurs et vignerons ont une dent contre les Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural (SAFER), Sylviane Jaccoux d’Eyssautier semble avoir toute une mâchoire contre l’opérateur foncier et ses prérogatives : notamment l’usage du droit de préemption pour garantir l’intérêt commun (chaque dossier étant soumis à l'avis d'un comité technique puis avisé par le conseil d’administration sous le contrôle de commissaires du gouvernement). Ne mâchant pas ses mots, la présidente de l’association Agri Patrimoine souhaite « en terminer avec ce moyen de corruption qui est d'accorder une prérogative de puissance publique et la vente d'exonérations fiscales à une structure privée corruptible ». Souhaitant ouvrir le débat, Sylviane Jaccoux d’Eyssautier propose concrètement une réforme transférant le droit de préemption aux conseils départementaux (voir encadré).
« Le système fonctionnerait comme le font les poursuites pénales : une structure qui instruit, recueille les demandes, étudie le dossier, les enjeux, etc… La SAFER agirait comme le font les juges d'instruction » explique Sylviane Jaccoux d’Eyssautier, ajoutant que son système s’appuierait sur « une autre structure à laquelle le dossier est transmis et qui contrôle et organise les poursuites, comme le font les procureurs de la République, le Parquet donc. Cela fonctionne très bien. Ce mécanisme écarterait toute suspicion et permettrait peut-être à la profession de conserver “ses” SAFER. » Dans sa communication, la fédération nationale des SAFER (FNSAFER) précise avoir réalisé à l'ambiable 87 % des 13 520 acquisitions réalisées par elle en 2021, pour 109 400 ha (soit 21 % des surfaces accessibles à l'intervention des SAFER), avec 14 720 rétrocessions (pour 106 100 ha). Pour le groupe d'aménagement foncier, ces actions « contribuent à un aménagement durable de l’espace rural. Ces surfaces sont attribuées en lien avec les politiques publiques, en concertation avec l’ensemble des représentants du monde rural ».


Transmettant son projet aux syndicats et parlementaires agricoles, Sylviane Jaccoux d’Eyssautier se doute que ses propos ne laisseront pas insensibles, mais elle croit dans la pertinence de sa proposition. « Si on coupe le lien entre le gain et la décision de préemption, le système devrait se moraliser et permettre de construire une vraie politique foncière dont on a bien besoin » estime-t-elle. À noter que sa proposition législative s’inscrit en dehors du projet de loi d’avenir et d’orientation agricole. « Cette initiative est sans rapport avec une éventuelle loi qui sera comme d'habitude un conglomérat de mesures pour éviter au Ministère de faire un travail de fond » grince la militante
Réforme de l’intervention publique sur le marché foncier rural : suppression du droit de préemption des S.A.F.E.R.
À ce jour, tant :
- les démarches commerciales effectuées et revendiquées par les S.A.F.E.R. dans toutes les régions pour placer leurs services : démarchages à domicile, édition de luxueuses brochures, affichages sur les sites de vente, promotion et publicité en tous genres,
- le dérapage de leur activité qui s’incarne maintenant à 80 ou 90 % dans les « substitutions » qui échappent à tout contrôle et que les S.A.F.E.R. ne cherchent même pas à justifier autrement que par la quête de la « commission » en contrepartie de l’économie des droits d’enregistrement, de l’autorisation administrative d’exploiter quand elle est nécessaire, voire du financement,
- les dérives de certains de leurs responsables qui les gèrent comme un outil de leur promotion personnelle… et de leur patrimoine,
- la déclaration de principe affichée que « l’espace rural est un espace commun » (dépliant de la FNSAFER) qui ne nous paraît pas conduire à une participation bienveillante des propriétaires ruraux, que sont notamment les agriculteurs eux-mêmes, à la nécessaire gestion commune de la ruralité,
- les vives tensions qu’elles provoquent dans de nombreuses régions,
- l’amalgame croissant entre la gestion du foncier destiné à l’activité agricole et l’aménagement du territoire.
Rappellent l’urgence d’assainir le contrôle public de l’utilisation de l’espace rural en ôtant le droit de préemption à ces sociétés de droit privé à but en pratique lucratif (contrairement au mensonge affiché dans les textes), ce qui a du reste bien été mis en évidence par la Cour des Comptes.
Nous renouvelons donc notre proposition qui est la suivante :
On rappelle qu’on ne peut pas supprimer les SAFER par voie législative puisque ce sont des sociétés de droit privé qui ne peuvent disparaître que par la volonté de leurs associés.
De surcroît elles ont un patrimoine, des associés, des droits acquis ou conférés.
Nous avons constaté comme tous les acteurs du sujet que l’intervention de groupes professionnels consultatifs permet la création d’espaces de règlement de comptes, de passe-droit, et d’opacité dans la prise de décision.
Néanmoins, les agriculteurs, conscients de la spécificité de leur activité et de leur culture, ne veulent pas se passer d’une présence professionnelle dans la prise de décision.
Notre projet de réforme qui consiste à retirer le droit de préemption aux S.A.F.E.R. pour le transférer à l’autorité publique est le suivant :
Article 1.
Afin de permettre aux Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural de remplir les missions qui leur sont confiées dans le cadre de l’article L.141-1-I du Code Rural, il leur est conféré un pouvoir d’initiative, d’instruction et de saisine du Conseil Départemental afin d’exercer un droit de préemption en leur nom et pour la réalisation de l’objectif défini à la décision de préemption.
Article 2.
Les articles L.141-1-II.2° et L.141-1-III.1°alinéa 2 du Code Rural sont abrogés.
Article 3.
Les articles L.143-1 à L.144-7 du Code Rural sont abrogés.
Article 4.
Les articles R.143-1, R.143-2, R.143-7, R.143-8, R.143-12 et R.143-14 du Code Rural sont abrogés.
Article 5.
L’article R.143-4 du Code Rural est ainsi rédigé la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural est « autorisée à faire exercer ».
Article 6.
L’article R.143-6 du Code Rural est ainsi rédigé « le droit de préemption exercé pour le compte de la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural ».
Article 7.
L’article R.143-10 du Code Rural est ainsi rédigé la Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural est « autorisée à faire exercer ».
Article 8.
Pour mener à bien les missions telles que spécifiées à l’article 1, le Président du Conseil Départemental dispose d’un droit de préemption qui s’exerce dans les conditions des articles L.213-1, exception faite du 3°, à L.213-9, et L.213-12 du Code de l’Urbanisme,