’est au cœur de la vieille ville de Beaune que se niche la Maison Champy fondée en 1720 par une famille de tonneliers. Au cours de sa longue histoire, ce négociant-éleveur a eu la chance de conserver un patrimoine inégalable que l’agence Les Bâtisseurs de mémoire vient de répertorier et de classer. Au milieu de ce trésor, un épisode majeur de la vie de la maison : sa collaboration avec Louis Pasteur.
En 1863, Napoléon III fait appel à Louis Pasteur pour travailler sur les accidents de conservation des vins durant le transport. La tourne, la graisse, l’aigre ou l’amer sont les fléaux de l’époque. Deux ans plus tard, le célèbre chercheur dépose un brevet pour un « procédé de conservation et d’amélioration des vins par chauffage modéré à l’abri de l’air ». L’œnologie devient alors une discipline scientifique.
On sait que Pasteur s’est tourné vers les vignerons jurassiens et bourguignons pour obtenir des vins sur lesquels effectuer ses recherches. Était-il en lien avec la Maison Champy ? Une lettre du scientifique que les historiens ont retrouvée dans les archives de la maison permet de le penser.
« L’appareil Terrel est remarquable par son débit. Il a un inconvénient assez sérieux : on ne peut étuver les tubes fins où le vin coule », écrit Louis Pasteur dans ce courrier daté du 29 juillet 1877 et adressé à un vigneron de Beaune supposé être Champy. Dans la suite de sa lettre, Pasteur mentionne un autre appareil d’un chaudronnier de Marseille dont le nettoyage des tubes n’est pas aisé non plus. Il rappelle aussi que le chauffage doit être réalisé avant la mise en bouteille sur des « vins jeunes ».
Convaincue de l’intérêt de la pasteurisation, la Maison Champy sera l’une des premières en Bourgogne à l’appliquer. En 1878, elle acquiert un appareil Houdart, puis un deuxième en 1901. L’un de ces appareils est exposé dans le musée de la maison à côté de sabotières, des appareils datant de la même époque et destinés à congeler les vins pour les concentrer.
Non seulement Champy pasteurise ses propres vins, mais il organise des réunions pour convaincre les vignerons locaux de faire de même alors que ceux-ci sont très réticents.
La Maison Champy fut aussi l’une des pionnières à participer aux expositions universelles en France et à l’étranger. Claude III Champy et Louis Pasteur étaient ainsi présents à l’Exposition universelle de Paris en 1867. Champy remporte alors une médaille d’argent et Pasteur est primé pour ses travaux sur le vin.
Au retour de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, les dirigeants de Champy décident de faire construire une nouvelle cuverie gravitaire d’après l’école de Gustave Eiffel et un laboratoire qu’ils nommeront Louis-Pasteur dans lesquels seront utilisés des instruments et appareils de vinification ultramodernes, comme des cuves en cuivre à double paroi pour recevoir les vins qui seront chauffés.
Si ni la pasteurisation, ni la flash-pasteurisation ne sont plus utilisées chez la Maison Champy, les traces et preuves de cette histoire sont exposées rue du Grenier-à-Sel, à Beaune, dans un espace muséographique que l’on peut visiter sur réservation. Trois mille visiteurs y sont passés en 2022 et la maison espère en recevoir 5 000 cette année.