ujet sensible ! Pour en finir avec la spirale déflationniste touchant des pans entiers du vignoble français, il n’y a pas de solution miracle, mais des outils qui pourraient aider à changer la donne, comme le plaide le député Grégoire de Fournas (Rassemblement National, Gironde). Alors qu’« à Bordeaux, on voit des prix du vrac très en dessous des coûts de production » et qu’une procédure judiciaire étudie des accusations de « prix abusivement bas » (voir encadré), il n’est pas compréhensible pour l’élu médocain que « le vin ne soit pas concerné par l’article 4 de la loi Egalim 2 [NDLA : loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs] qui pose la non-négociabilité du prix des matières premières agricoles ». Grégoire de Fournas note que le V de l’article 4 permet de déroger à ce principe par un décret du ministère de l’Agriculture. Une dérogation que les interprofessions du vin ont demandée et obtenue, avec le décret n° 2021-1426 du 29 octobre 2021 qui fixe la liste des produits alimentaires exclus du champ d'application de l'article L. 441-1-1 du code de commerce, qui reprend l’article 4 de la loi Egalim 2.
Dans le cadre de la proposition de loi du député Frédéric Descrozaille (Renaissance, Val-de-Marne) portant sur les négociations commerciales entre agriculteurs et distributeurs (étudiée à partir de ce lundi 16 ou de mardi 17 janvier à l’Assemblée Nationale), Grégoire de Fournas propose un amendement pour que l’article L. 441-1-1 du code du commerce soit complété par la phrase « le vin ne peut faire partie de cette liste » des produits exclus de la loi Egalim2 pour « garantir une meilleure rémunération des viticulteurs ». Appelant à un soutien des députés du reste de l’hémicycle, l’élu médocain veut effacer les réticences des instances de la filière, en levant « une incompréhension. Il ne s’agit pas de la loi Egalim1, avec des indicateurs de prix qui pourraient conduire à un prix plancher, mais de la loi Egalim2, sur la non-négociabilité du prix des matières premières agricoles. »


Dans le reste de l’échiquier politique, cet amendement reste accueilli avec circonspection. En témoigne le député bordelais Pascal Lavergne (Renaissance, Gironde) : « il faut de la prudence, car l’amendement revient à considérer le vin comme un produit agricole comme les autres. Sauf qu’il n’y a pas un vin comme les autres, avec les mêmes coûts de production. Ce serait dangereux de tirer les prix vers le bas. » La crainte d’un prix plancher fixé sur le coût de production ayant motivé la frilosité de la filière sur les lois Egalim, Grégoire de Fournas indique être prêt à proposer un sous-amendement fixant une durée limitée d’expérimentation ou une clause de revoyure pour juger du dispositif.
Sujet sensible s’il en est, l’articulation réglementaire entre prix de vente, coût de revient et rémunération de la viticulture est d’autant plus épineux à Bordeaux que les prix du vrac restent bas et qu’une partie conséquente des vignerons sont dans le rouge économiquement (gagnant moins que le SMIC). Pour défendre son amendement, Grégoire de Fournas plaide pour l’introduction du vin dans la loi Egalim 2 : « c’est un dispositif d'intérêt général. Il n’y aura pas de miracle, mais ça permettrait de regagner de la marge. C'est une réponse efficace et rapide à la crise viticole. Il ne résoudra pas tout évidemment et il faut continuer à travailler sur d'autres solutions comme l'arrachage. »
Cet amendement à la loi Egalim2 se place dans la suite d’attaques en justice du vigneron Remi Lacombe contre deux négociants ayant acheté des vins « à prix abusivement bas » selon sa lecture de la loi Egalim1. Ce dernier cadre réglementaire serait suffisant selon la défense du vigneron pour garantir les prix de revient aux vignerons (voir encadré). Estimant que les négociants en vin ne sont pas concernés. « Le prix abusivement bas, codifié à l'article L. 442-9 du Code de commerce, est issu de la loi Egalim 1 du 30 octobre 2018. Il n'y a aucun décret d'exclusion, et l'article vise les produits agricoles et les denrées alimentaires - ce qu'est le vin, à double titre » explique l’avocat parisien Louis Lacamp, qui balaie toute exclusion des vins de ce dispositif : « la non-négociabilité évoquée [par l’amendement], codifiée à l'article L. 441-1-1 du Code de commerce, est issue de la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021. Le décret d'exclusion vise effectivement le vin, mais ne s'applique qu'à l'article L. 441-1-1. Il n'y a donc aucun lien entre notre action, fondée sur l'article L. 442-9 de la loi Egalim 1, et ce débat, fondé sur l'article L. 441-1-1 de la loi Egalim 2. En réalité, ce décret d'exclusion ne fait que confirmer que la reste de la loi Egalim II s'applique au vin. En effet, si un décret exclut l'application au vin d'un article de la loi Egalim II, cela démontre incontestablement que la loi Egalim 2 s'applique, par principe, au vin ! »