l n’a fallu que quelques années à Cryptoblabès gniediella pour devenir le cauchemar de nombreux viticulteurs.
Compliquées à observer par piégeage, les femelles de la pyrale entrent dans les vignes aux alentours de la véraison et pondent entre 105 et 230 œufs. Ces derniers sont bien plus petits que ceux d’eudémis et cachés à l’intérieur des grappes. Les viticulteurs peuvent très bien ne rien voir dix jours avant la récolte et se trouver face à des dégâts importants le jour de la vendange. Ce fut le cas en 2018 ou 2020. Ils sont d’autant plus démunis que les insecticides classiques ont du mal à atteindre le ravageur.
Dans l’Aude, les conseillers viticoles de la Chambre d’agriculture fondent leur espoir sur la lutte biologique. Cette année, ils ont testé avec succès la stratégie à base de trichogrammes Tricholine Vitis de Bioline Agrosciences.
La société explique que ces micro-insectes de 0,8 mm pondent leurs œufs dans ceux des tordeuses de la grappe pour se reproduire. Une fois parasités, les œufs des ravageurs ne donnent pas naissance à des chenilles dévastatrices mais à d’autres trichogrammes qui partiront chercher de nouveaux œufs de Cryptoblabès.
A Fleury d’Aude, Sandra Bennamane a mis en place un premier essai dans une ferme Dephy Ecophyto du Narbonnais sur 3 hectares de mourvèdre en bord d’étang. « La pression Crypto y est si forte depuis quelques années que la confusion sexuelle et le Spinosad ne suffisent pas sur cette parcelle bio ».


Le vigneron a gardé un hectare témoin. Dans le deuxième, il a accroché en moins de 30 minutes 100 diffuseurs Tricholine Vitis contenant chacun 5 000 trichogrammes à différents stades de développement sur les fils de palissage. Dans le troisième, il a directement posé au sol en 15 minutes 100 étuis rectangulaires renfermant des trichogrammes. L’opération a été répétée 3 fois. 45 jours, 30 jours, et 15 jours avant les vendanges.
« La veille des vendanges, la parcelle témoin renfermait 34 chenilles pour 100 grappes. Dans la modalité Tricholine Vitis, nous n’en avons compté que 2, soit 94 % d’efficacité. Nous en avons trouvé un petit peu plus dans la modalité T-Protect, 6, soit 82 % d’efficacité ».
Aidés par l’ingénieur de Bioline, Sandra Bennamane et le vigneron ont compté 16 % de grappes altérées dans la modalité témoin, 6 % dans la modalité Tricholine Vitis, et 14 % dans la modalité T-Protect. « Ces derniers chiffres sont à relativiser, car ils ne disent pas de combien les grappes sont altérées » tempère la conseillère. Sandra Bennamane espère reconduire cet essai en 2023 en comparant l’efficacité des trichogrammes à celle du Spinosad pour voir si les bons résultats obtenus en 2022 se confirment.
Dans les Corbières, sur de la syrah, sa collègue du groupe 30 000 Mont Tauch les a jugés meilleurs que des insecticides conventionnels pulvérisés une ou deux fois sur de la syrah en face par face.
Les trichogrammes ont un effet à partir de 50 ares de protection. « Ils sont également efficaces contre eudémis, et peuvent être posés tardivement dans la saison, laissant le temps aux viticulteurs de juger de la pression de l’année, contrairement à la confusion sexuelle » souligne Sandra Bennamane, consciente que le prix d’un lâcher, à 75 €/hectare, ne rend pas l’opération accessible à tous. « Elle est intéressante pour les caves qui valorisent bien leur vin et souhaitent atteindre la maturité polyphénolique optimale ».
Autres inconvénients : la sensibilité des microorganismes aux insecticides et au soufre. Bioline préconise de laisser entre 7 et 42 jours entre le dernier traitement insecticide et le premier lâcher. A 4 kg/ka, le dernier soufre mouillable doit dater d’au moins 14 jours avant le premier lâcher. Pour le soufre en poudre, ce délai peut grimper à 42 jours.