VRAI. Cryptoblabes est une pyrale qui a été décrite pour la première fois en 1867 par Millière. Il y a vingt ans, il était considéré comme un ravageur mineur. « On pouvait retrouver des larves de cryptoblabes dans les grappes attaquées par eudémis. Mais cryptoblabes n’était pas à l’origine des dégâts », rapporte Andrea Lucchi, entomologue à l’université de Pise, en Italie, lors d’une conférence organisée au Sitevi, à Montpellier, par CBC Biogard. Dix ans plus tard, des attaques importantes sont signalées, attaques qui s’intensifient par la suite. « Depuis 2019, tout le monde est convaincu qu’il s’agit bien d’un ravageur nuisible », observe Andrea Lucci. Le réchauffement climatique pourrait expliquer ce changement. « A 18 °C, il faut 93 jours pour passer de l’œuf à l’adulte contre 32,5 jours à 26 °C et 23,5 jours à 29 °C », détaille Andrea Lucci.
FAUX. Cryptoblabes est un insecte polyphage : on peut le trouver sur 80 plantes hôtes appartenant à 40 familles botaniques.
VRAI. Mais il remonte dans les terres. En France « Les populations augmentent. Au départ il était inféodé au Gard, puis il est arrivé dans l’Hérault et dans l’Aude. Du littoral, il progresse dans les terres. On en voit désormais sur les Terrasses du Larzac, à Limoux, en Malepère, etc., sur des terroirs plus frais, éloignés de la mer », explique Cyril Cassarini, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Gard. Cryptoblabes est également très présent en Corse.
VRAI. En Italie, il y a quatre vols et quatre générations par an. « Les troisième et quatrième générations se superposent. A la récolte, on trouve des grandes larves de G3 et des petites larves de G4 », rapporte Andrea Lucci. En France, dans les sols chauds des Costières, cryptoblabes peut réaliser plus de générations, selon les observations de Cyril Cassarini.
VRAI. Cryptoblabes passe l’hiver sous forme de larve ou de chrysalide à l’intérieur des grappes non vendangées ou qui sont tombées au sol. « Le 11 novembre 2020, dans une vigne infestée, nous avons récolté des grappes de sangiovese restées accrochées après les vendanges. Sur 21 grappes, nous avons trouvé 593 larves dont 111 rien que dans une seule. Nous pensions que nous n’en trouverions pas dans ces grappes car il n’y avait plus rien à manger. » La preuve que non.
Toutes ces grappes présentaient des soies denses, très résistantes et recouvertes d’excréments. Dans les grappes les plus infestées, les baies étaient complètement déshydratées et vides à l’exclusion des pépins. Malgré cela, ces baies abritaient fréquemment une à plusieurs larves. Tous les stades larvaires étaient présents avec une majorité de larves de L3 à L5.
Le 10 février 2021, les chercheurs ont récupéré des grappes de cabernet-sauvignon tombées au sol après la taille et d’autres de sangiovese restées sur les sarments dans d’autres domaines touchés par le ravageur. « Là encore, nous avons trouvé beaucoup de larves et de chrysalides. »
Faire de la prophylaxie en détruisant toutes les grappes non vendangées ou tombées au sol serait-il utile ? Oui, selon Andrea Lucci, du moins pour les grappes qui restent sur les vignes. Mais les vignerons italiens qu’il a interrogés sur le sujet lui ont répondu que l’opération était bien trop coûteuse.
FAUX. Les chercheurs ne trouvent pas d’œufs, ni de larves dans les inflorescences ou dans les grappes jusqu’à la mi-juillet. Les femelles n’entrent donc dans les vignes qu’à partir de la mi-juillet, aux alentours de la véraison, pour pondre dans les grappes. L’insecte effectue une génération complète en dehors des vignes. Où ? Pour le moment les chercheurs l'ignorent. Les femelles arrivent-elles dans les vignes déjà fécondées ? Là encore les chercheurs ne le savent pas. Pourtant la question est cruciale. « Si les femelles arrivent déjà fécondées, la confusion sexuelle ne peut pas être efficace », observe Andrea Lucci.
S’agissant des captures, les choses sont un peu différentes. Dans les vignes en Italie, les experts commencent à capturer des adultes dans les pièges dès le mois d’avril. Jusqu’en juillet, le nombre de ces captures reste faible. Les vols s’intensifient par la suite pour atteindre leur pic durant les vendanges ou juste après.
VRAI. La femelle pond sur les pédoncules, les pédicelles et la rafle. « Entre 105 et 230 œufs en moyenne, vraiment à l’intérieur des grappes. Pas à la surface des baies comme l’eudémis ». Et les œufs, de forme subcirculaire sont beaucoup plus petits que ceux de l’eudémis : 0,70 x 0,45 mm. Cela explique pourquoi il n’est pas facile de les trouver.
VRAI. « Il y a du commensalisme avec Planococcus ficus (cochenille du ficus) », affirme Andrea Lucci.Souvent, les deux ravageurs cohabitent, cryptoblabes se nourrissant du miellat que produisent les cochenilles. Cyril Cassarini, de la chambre d’agriculture du Gard, confirme ce phénomène : « Quand il y a beaucoup de cochenilles, comme dans les Sables, on a des attaques de cryptoblabes importantes. »
VRAI. Elles attirent les mâles en produisant quatre molécules de la famille des aldéhydes. « Le problème des aldéhydes est que ce sont des molécules très volatiles », indique Andrea Lucci. Selon lui, cela impacte la durée de vie des pièges sexuels que les vignerons et techniciens utilisent pour suivre les vols. Ce chercheur préconise donc de changer les capsules toutes les trois semaines au lieu de quatre comme cela est recommandé. Il demande aussi de veiller au choix de la capsule, certaines étant plus efficaces que d’autres, mais Andrea Lucci n’a pas voulu citer les marques.
En 2020, Andrea Lucci, entomologue à l’université de Pise, a testé deux programmes sur un domaine de Toscane : Spinosad + 2 BT et Spinosad + 4 BT. « On a travaillé avec 250 l/ha de bouillie. On n’a pas vu de différences significatives entre les modalités traitées et le témoin non traité. » Le chercheur a fait le même essai dans un autre domaine mais cette fois avec 400 l/ha de bouillie. « Là, on a obtenu des résultats plus intéressants. » Avec un volume de bouillie plus important, le produit atteindrait mieux sa cible.