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Bovin de Loire pour le dernier Adèle Blanc-Sec
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"Sauvignon grand cru"
Bovin de Loire pour le dernier Adèle Blanc-Sec

Mieux vaut Tardi que jamais : la dernière aventure de l’héroïne de bande-dessinée clôt 46 ans de péripéties abracadabrantesques. La dernière étant centrée sur des vins empoisonnés.
Par Alexandre Abellan Le 23 octobre 2022
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Bovin de Loire pour le dernier Adèle Blanc-Sec
Un dernier blanc-sec pour baroud. - crédit photo : Aperçu du tome 10 : Le Bébé des Buttes-Chaumont.
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e Tardi nouveau est arrivé ! Après 15 ans, le dixième, et dernier, album de la série Adèle Blanc-Sec vient de paraître (aux éditions Casterman), racontant les suites de l’épidémie causée en octobre 1923 par les vins empoisonnés du docteur Chou. Utilisant des limules (l’une des obsessions animales de Jacques Tardi, avec les ptérodactyles et les céphalopodes géants), le scientifique a contaminé des vins de Loire commercialisés par un négociant de Bercy et transformant leurs consommateurs en minotaures pour permettre le clonage des bovins (dans une logique d’abattoirs industriels, le savant fou lorgnant sur la vache folle).

Si la première victime de ces vins est évidemment un policer (« mort aux vaches ! » pense Adèle Blanc-Sec*), cette cuvée « Sauvignon grand cru » faisant peser une nouvelle menace sur la Nation. « Il a contaminé le pinard ! C’est une catastrophe nationale ! La France entière va y passer… Un pays d’alcooliques ne peut résister à une telle machination » lance Charles Chalazion, l’un des nombreux personnages secondaires des aventures d’Adèle Blanc-Sec (qui semblent généralement aussi perdus dans les arcs narratifs que le lecteur). Racontant une épidémie avant la crise Covid, Jacques Tardi évoque même le mot à la mode de cette fin d’année 2022 : la sobriété. « Le monumental exige la sobriété ! Je me demande bien ce que vos artistes ont retenu de la campagne d’Égypte ? » demande la momie d’Adèle Blanc-Sec (baptisée Patmosis dans le film de Luc Besson), « la sobriété… La sobriété… Je me taperais bien un monumental ballon de blanc ! » pense le chauffeur de taxi, Roy, précédemment négociant à Bercy et vendeur de farces et attrapes… « Quelquefois, j’oublie qui est qui et qui a fait quoi ! Et je suis obligé de relire rapidement… » confessait Jacques Tardi dans ses entretiens avec Numa Sadoul (2000, éditions Niffle-Cohen). Un foisonnement de personnages et de rebondissements qui est la marque de ces aventures sciemment compliquées par de multiples références aux albums passés (Casterman propose même un guide de lecture).

Série rocambolesque

Hommage aux feuilletons romanesques de Ponson du Terrail, Gaston Leroux, Jean Ray et Maurice Leblanc, la série Adèle Blanc-Sec reste résolument modernes dans ses sujets. À commencer par sa protagoniste, libre et indépendante. Au point de refuser d’être entraînée dans une énième aventure (« je ne veux plu entendre parler de ces pseudo-savants fous à lier, leur fréquentation m’indispose » dit-elle dans Momies en folie, 1978). Adèle Blanc-Sec est aussi revêche que colérique, comme lorsqu’elle rentre chez elle dans Tous des Monstres (1994) : « elle est sacrément énervée… Elle flanque des coups de pied dans le mobilier et elle cause toute seule… Elle est cinglée ou quoi ? » observe un indicateur. « Quelle fale caraffère ! Fa va pas être fafile ! » zozotte le bandit Léon Dandelet dans le Labyrinthe Infernal (2007), ajoutant lorsqu’elle va boire un verre « f’est une pofarde, v’en étais fûr ! »

Du « Pineau des Charentes » d’Adieu Brindavoine (1979) aux ballons de blanc-sec dans « un rade pourri… mais engageant » d’une Gueule de bois en plomb (1990), le vin irrigue l’œuvre de Jacques Tardi. Dans la série Adèle Blanc-Sec, les piliers de comptoir sont nombreux, avec ses « professionnels du zinc », « déjà beurrés comme une tartine » avec qui « la nappe phréatique ne craint pas de baisser » enchaîne un bistrotier parisien, avec la verve d’Antoine Blondin dans son roman un Singe en hiver (1959, adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1962).

 

* : Jacques Tardi semble avoir pensé à tous les jeux de mots possible. Y compris pour le nom de son héroïne. « Alors tu seras morte Adèle ! » lance l’actrice Clara Benhardt dans le Savant Fou (1977), « mais oui ! Mais oui ! Mortadelle ! Ha ! Ha ! » réplique Adèle Blanc-Sec.

 

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