a déconsommation de vins, et surtout de rouges, est bien réelle. « Nous produisons 200 000 hl de trop en Vallée du Rhône. Il n’y a pas de solution miracle pour écouler ce volume, il faut produire moins. Quoi qu'il en soit, il faut que les caves continuent de produire des profils de rouge qui plaisent aux consommateurs », souligne François Miquel, directeur général de la maison Ogier, négoce basé à Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse, et coprésident du service économie d’InterRhône.
Et selon lui, ce profil est clair. « Fruité, rond, facile à boire ». À cette description, Samuel Montgermont, président de l’Union des maisons de vins du Rhône, ajoute « gouleyant et accessible ». Tous deux admettent volontiers que la plupart des producteurs leur fournissent déjà de tels vins. Alors comment redresser la barre ?
A ce titre, nos interlocuteurs estiment avoir eux aussi leur part de travail à faire. « Il faut apprendre aux consommateurs qu’un vin rouge peut et doit se boire frais, surtout en été », indique François Miquel. Pour Samuel Montgermont, il faut passer par la restauration pour transmettre ce message. « Les consommateurs ne sont pas prêts du tout à refroidir leur vin rouge. En GD, à part apposer une température de service sur la contre-étiquette, nous ne pouvons pas leur dire de le faire », confirme Sophie Lecroart, responsable des achats filière vin de Fiée des Lois, qui appartient au groupe Intermarché.
Outre la température de service, Sophie Lecroart souligne le problème du degré alcoolique des vins rouges. « Une fois par an, nous organisons avec des consommateurs une dégustation de notre marque distributeur face à une concurrente. Très souvent, ils pointent du doigt la sensation brûlante d’alcool dans les vins rouges méridionaux – Bordeaux, Sud-Ouest, Languedoc-Roussillon, Provence, Vallée du Rhône méridionale. Nous avons même des clients qui nous écrivent pour nous dire qu'ils ont arrêté d’acheter tel ou tel vin car il est passé au-dessus les 14% vol. ». Pour l'acheteuse, les AOP doivent accepter la désalcoolisation partielle. « Mais je suis consciente que c’est un changement profond et compliqué. »
François Miquel abonde dans ce sens : « Pour les consommateurs, 15% vol., ça fait peur ». Pour l’instant, augmenter la fraîcheur des vins est la seule solution à ce problème. « Laisser 800 du CO2 dissous et 3-4 g/l de sucres résiduels, ça plaît », remarque Samuel Montgermont, pour qui il reste essentiel d'atteindre la maturité phénolique des rouges quitte à avoir des degrés élevés, de façon à ne pas avoir de tanins végétaux, ce qui serait pire.
« Je conseille aux vignerons de partir sur de l’IGP Pays d’Oc avec mention du cépage, plutôt que sur une AOP, car ce sont les vins que j’arrive à contractualiser », constate Louis Servat, président du syndicat des courtiers du Languedoc-Roussillon. Chez Fiée des Lois, Sophie Lecroart, responsable des achats vin, observe ce glissement de l'AOP vers l'IGP depuis plusieurs années déjà. « De nombreux bassins viticoles ont misé dessus, sauf Bordeaux, qui doit se mordre les doigts de ne pas s’être intéressé davantage à l’IGP Atlantique. Résultat: on achète leur merlot en vin de France », soutient-elle. Pour Samuel Montgermont, il faut que le cahier des charges AOP rouges évolue. « Ce n’est pas logique d'imposer une intensité colorante minimale de 7 pour le côtes-du-rhône villages. Et il faudrait aussi utiliser davantage le cinsault, qui pourrait devenir notre gamay », suggère-t-il.