omment couvrir un rang sans que les espèces semées poussent trop haut, soient trop gourmandes en eau et en azote, ne contrecarrent pas l’arrivée à maturité des raisins, qu’elles contrôlent les adventices sans devenir un réservoir pour des ravageurs, qu’elles fleurissent à une date qui ne corresponde pas à une période de traitement ? Voilà quelques-unes des questions (liste non exhaustive) que se sont posés au sujet de leurs sols légers et arides de la colline du Bollenberg, la quinzaine de viticulteurs membres de l’association Viti Repère, à Westhalten, dans le Haut-Rhin.
En partenariat avec des botanistes, un semencier et le soutien scientifique de Jean Masson, ancien directeur de recherches à l’INRAe, ils ont puisé dans la diversité des plantes poussant dans les landes sèches à proximité. « Les plantes qui y poussent ont la particularité de cesser leur croissance dès qu’il fait sec et de reverdir à la moindre pluie » précise Frédéric Schermesser, viticulteur et président de Viti Repère.
Un inventaire a permis d’identifier 150 espèces. 22 ont été sélectionnées, collectées, multipliées et semées à la volée un rang sur deux à une dose entre 3 et 5 g/m² et bien rappuyé. Le mélange de 19 fleurs (achillée millefeuille, vipérine commune, millepertuis commun, réséda batard, etc…) et de trois graminées (brome érigé, fétuque ovine, koelerie) est dosé 70/30 ou 50/50. « J’ai d’abord implanté une céréale à paille pour ramener de la matière organique. J’ai réalisé un faux-semis avant de préparer le lit de semences en passant un outil à dents puis une herse rotative. L’implantation demande deux ans. La première année, sont essentiellement apparues des touffes de bleuet d’environ cinq centimètres de diamètre. La colonisation restant faible, il faut éviter de rentrer dans le rang cette année-là. Toutes les autres graines ont monté en deuxième année. C’était plus fourni et plus fleuri » détaille Frédéric Schermesser qui veut maintenant juger sur la durée la pertinence de ce couvert.
« Renaturer la vigne avec des plantes sauvages locales est une expérience, pas une solution clés en main » prévient Jean Masson. Autrement dit si la solution mise au point à Westhalten n’est pas forcément transposable ailleurs, la démarche peut en revanche parfaitement être reprise pour être adaptée dans une autre zone. « Mettre ce mélange au point a été un travail monstrueux » avertit encore Frédéric Schermesser.
Pour Frédéric Schermesser, « ce mélange est un moyen de s’affranchir des couverts à base de ray grass plus gourmands en eau ».
Le couvert semé à l’automne 2020 (ici photographié le 15 juillet 2022) s’est bien développé. La présence ou l’absence d’eau détermine son comportement.
Le même rang fauché. Il fournit toute l’année une belle bande de roulement.
Viti Repère veut également s’inscrire dans la diminution des usages phytos. Depuis 2020, un essai compare une modalité de traitement conventionnelle et un protocole cuivre/soufre associé à des huiles essentielles, des tisanes, de l’argile et des préparats biodynamiques 500 P (bouse de corne) et 501 (silice). « Il est prouvé qu’à une dose de 4-5 g/m² la pulvérisation de ces préparations crée sur le feuillage une couche monoatomique qui active et amplifie la réaction des gènes de résistance naturels de la vigne » assure Jean Masson. « L’objectif est de tester un système complet de protection à base de produits de biocontrôle ». En 2021, le rendement de cette parcelle a été inférieur de 17 % au témoin conventionnel. En revanche, malgré un passage en plus, les frais de protection sont évalués entre 250 et 300 €/ha contre 600 € en modalité conventionnelle.