Je suis désabusé, cela ne sert à rien de continuer à produire », confie Olivier Feyzeau, 57 ans, à la tête d’une exploitation de 30 ha en appellation Bordeaux et Bordeaux supérieur à Arveyres, en Gironde. Habituellement, les deux tiers de sa récolte partent au négoce, le reste aux particuliers. Sauf qu’il lui reste des vins sur les bras : 360 hl de 2020, plus tout son bordeaux rouge de 2021, soit 900 hl. En janvier dernier, il a refusé une offre à 700 € le tonneau de 900 l (78 €/ha). Son chiffre d’affaires décline : 300 000€ en 2020, 280 000 € l’an dernier et 170 000 € cette année.
Comment rebondir ? « Je fais 90 hectos de rosés que j’écoule auprès des particuliers, mais je ne suis pas équipé pour aller au-delà », indique le vigneron. Dans l’immédiat, il se dit que sa capacité de stockage lui permettra d’accueillir la récolte à venir qui devrait être normale, autour de 1 500 hl. Après cela, si rien ne change, « il faudra que je lâche à vil prix », redoute-t-il.
À Rochefort-du-Gard, Jean-Renaud Chalamel, directeur de la coop Les Vignerons du Castelas, subit la même atonie du marché. « La demande est nulle », assure-t-il. Sur 25 000 hl, cette cave produit 17 000 hl de rouges – essentiellement des côtes-du-rhône – dont 3 000 hl non vendus qu’il faut reloger, car la récolte à venir s’annonce normale. « Ce n’est pas la première fois que l’on se retrouve avec du stock, admet Jean-Renaud Chalamel. Mais les prix sont à la baisse. Si ces vins devaient partir à 110 €/hl au lieu de 150 ce serait compliqué. » Quelle solution ? Les rosés ? « Nous sommes capables d’en faire jusqu’à 10 000 hl. Sauf qu’il n’y a pas le marché. »
À la coop Les Crus Faugères (30 000 hl, dont 70% en rouge), Magali Palomares, la directrice, observe le désaveu pour le Languedoc rouge. Certes, cette appellation ne constitue que 2 % de sa production. Mais elle ne part pas. « Nous allons garder ces vins car nous n’avons pas de problème de stockage », signale Magali Palomares, qui se réconforte à la vue de la belle vendange qui s’annonce. À condition que la pluie s’invite d’ici là.
À Tulette, dans la Drôme, le pessimisme gagne Bernard Roustan, le directeur de Costebelle. Cette coop produit habituellement 100 000 hl, dont 75 % de rouge, surtout en appellation Côtes du Rhône. Avec le gel de l’an dernier, ce chiffre est tombé à 80 000 hl. Tous ses rouges sont vendus, mais pas retirés. « S’il n’y avait pas eu le gel, nous aurions vendangé 20 000 hl de plus que je ne pourrai pas écouler, car la demande n’est pas là », assure Bernard Roustan. Pour lui, se reporter plus encore vers les rosés n’est pas la solution. Sa cave en produit déjà 20 000 hl. Et vend tout. « Je ne trouverais pas preneur pour 10 000 hl de plus », assure-t-il. Pour Bernard Roustan, les seules solutions sont radicales : arrêt des autorisations de plantations, instauration de primes d’arrachage définitif et recours à la distillation. Ni plus ni moins.