e plus en plus d’entreprises réfléchissent à la possibilité de récupérer au moins une partie de leurs bouteilles pour les réutiliser. Des start-ups et autres coopératives axés sur le réemploi des contenants voient le jour. D’autant plus que les avantages sont multiples. D’après les analystes de la Rabobank, une étude réalisée par le plus gros brasseur mondial AB InBev montre que l’utilisation de bouteilles consignées peut entraîner une réduction des gaz à effet de serre allant jusqu’à 80 %. De même, le géant des BRSA Coca Cola affirme que le réemploi a une incidence significative sur les prix consommateurs, un enjeu de taille en période inflationniste. D’où sa décision d’augmenter la part de la consigne dans ses emballages pour atteindre 25 % d’ici 2030 (contre 16 % en 2020). Outre la baisse du prix au détail, Coca Cola a également noté une hausse de 15 % de la probabilité de rachat du produit. « Difficile d’imaginer une autre innovation qui ait un impact de cette envergure », note la Rabobank.
La banque néerlandaise insiste également sur la corrélation entre le niveau de vie et la prévalence de systèmes de consigne. Ainsi, en Afrique et en Amérique du Sud, la part du réemploi des contenants est plus importante qu’en Europe par exemple. Dans les pays qui ont progressivement abandonné la consigne, au fur et à mesure que leur économie s’est développée, les infrastructures restent en place, et les consommateurs sont déjà habitués à ce type de dispositif. « Il est beaucoup plus rentable de protéger les systèmes de consigne qui n’ont pas encore été détruits que d’en reconstruire à partir de rien », note la Rabobank, qui souligne la revalorisation très récente de la consigne dans les pays à haut niveau de revenu comme l’Allemagne. En 2021, constatant que le pourcentage de bouteilles réutilisées avait fortement régressé ces dernières années (41,8 % en 2019 contre 66,3 % en 2004), le Bundestag a modifié sa réglementation sur le packaging : dès 2023, les restaurants devront proposer des emballages réutilisables. Même si la loi manque d’ambition selon la Rabobank, elle démontre un changement d’attitude à l’égard du réemploi des contenants qui pourrait entraîner la mise en place d’autres dispositifs ultérieurement.
D’ailleurs, c’est bien le secteur CHR qui est cité par la banque néerlandaise comme point de départ potentiel pour l’instauration de la consigne, notamment dans les pays où la part de ce circuit est importante. « Les taux de retour sont, grosso modo, de 100 %. Et puisque les fabricants/distributeurs rendent régulièrement visite à ces points de vente pour les réapprovisionner, collecter les bouteilles vides est relativement simple et très peu perturbateur ». De plus, le consommateur n’est pas obligé de modifier ses habitudes ni de se préoccuper du règlement de la consigne. Enfin, les bars sont déjà habitués à un système de consigne avec les fûts à bière, ce qui facilite d’autant plus la transition du dispositif vers d’autres contenants. Autre lieu particulièrement propice au réemploi des bouteilles : les caveaux. « Il peut y avoir une opportunité pour inciter ceux qui fréquentent les caveaux et les adhérents aux clubs instaurés par les domaines pour qu’ils rapportent leurs bouteilles usagées », estime le rapport. « Aux Etats-Unis, par exemple, la vaste majorité des gens qui adhèrent à ces clubs dans les petits domaines habitent dans un rayon de 80 kilomètres du domaine ». Reste à savoir comment mettre en place l’infrastructure requise pour laver et réutiliser les bouteilles : « Théoriquement, une partie de cette infrastructure pourrait être mise en place par un tiers ou sous forme de coopérative par une appellation… Peu de producteurs auraient les capitaux nécessaires pour la faire fonctionner seuls, surtout dans le contexte économique actuel ».
Pour revenir à Coca Cola, la standardisation des bouteilles constitue un élément clé de la solution. Une perspective qui semble plus difficile dans le secteur du vin que dans des univers industrialisés comme ceux de la bière ou des BRSA. Néanmoins, à l’échelle d’une appellation, cette uniformisation existe souvent déjà et pourrait être au cœur d’un système efficace et rentable de récupération et de réemploi des bouteilles. Les détaillants aussi ont un rôle important à jouer, mais, conclut la Rabobank, c’est l’implication des gouvernements qui sera déterminante. « Le contexte actuel (inflation, coûts en hausse et perturbations logistiques) pourrait créer les incitations pour adopter des conditionnements à consigne. Mais qu’est-ce qui empêchera les entreprises de les abandonner une fois que la situation évolue au niveau des coûts, et que les incitations économiques n’y sont plus ? Si nous voulons que la consigne se développe au-delà d’une série de projets secondaires sans lien les uns avec les autres, les gouvernements devront intervenir. Sans eux, l’espoir de revenir à un dispositif de consigne à grande échelle est un coup d’épée dans l’eau ».