Jessica Julmy : Faisons d’abord un pas de côté. Quand je suis arrivée sur le projet, nous commencions sur une page blanche : le vignoble était à replanter, la cuverie à refaire, etc. Au sein de Moët Hennessy, notre logique de responsabilité de groupe est de prendre le temps d’investir et de prendre le risque de regarder les choses de manière différente. Nous avons commandé une étude mesurant notre empreinte carbone et il apparaît que 40 % du bilan carbone d’un domaine de vins tranquilles vient du packaging. On peut devenir bio au vignoble, avoir des projets d’agroforesterie, diminuer les consommations d’eau et d’énergie en caves… Mais si l’on ne s’occupe pas du problème du packaging, on défait avec les pieds ce que l’on a fait avec les mains.
Nous avons fait une Analyse de Cycle de Vie (ACV) des différents packagings pour savoir de manière chiffrée et concrète les matières qui sont de vilains petits canards et celles qui n’en sortent pas si mal. Pour le cru classé, qui est un vin de garde, nous avons opté pour le verre, mais en réduisant l’empreinte carbone avec une bouteille allégée (moins de 500 grammes) et en verre vert (le verre transparent étant neuf, quand celui vert peut être recyclé à 70 %). Pour le deuxième vin, qui est un vin à consommer dans l’année, nous avons ouvert le champ des possibles. Nous avions la solution du PET et du cubis.
Le PET est déjà étonnant, un cubi l’aurait été encore plus…
Je ne vous parle pas des réactions que j’ai eu ! Le cubi est sensationnel, mais son problème est de devoir séparer le carton, la poche plastique et le robinet. Il n’est jamais certain que le consommateur prenne cette peine. Nous avons préféré la simplicité du PET 100 % recyclée et 100 % recyclable. Il existe plusieurs types de plastiques, nous avons opté pour la solution PET de l’associtaion Prevented Ocean Plastic (POP), qui se charge de récupérer du plastique ramassé sur les sur côtes. Je rêve qu’il n’y ait plus de déchets plastiques en bord de mer, pour que nous ayons à chercher une autre source de plastique, mais je crains que ce ne soit pas pour demain…
Cette solution est développée en Angleterre par Packamama, fabrication usine en Angleterre, avec un plastique n’ayant pas d’impact sur la qualité du vin (ni de migration). L’ACV permet de comparer les matériaux pour leur production (consommation d’eau, d’électricité…). Cela reste très complexe et repose sur des hypothèses, comme le recyclage par les consommateurs. Il n’y a pas de solution parfaite pour les bouteilles, je suis toutes ouïes si quelqu’un a une meilleure option. Parfois nous cherchons la solution parfaite et restons paralysés parce qu’il n’en a pas aujourd’hui. Il faut évoluer, tester et ouvrir ses chakras : cette bouteille permet d’ouvrir la discussion.
Quelle est la réduction d’empreinte carbone estimée grâce à la bouteille en PET comparée à une bouteille en verre ?
Selon les données de l’ACV réalisée pour le compte des monopoles nordiques de l'alcool, le passage des bouteilles en verre traditionnelles et plus légères au PET réduit les émissions de CO2 de 53 à 63 %. Également, l’empreinte carbone est réduite au cours de la fabrication, grâce à la nature 100% recyclée de la matière, POP.
Il est assez difficile de réellement comparer les coûts pour cette solution d’emballage, et ce pour différentes raisons. D’une part, le prix des matières premières fluctue grandement dans le contexte actuel. D’autre part, ce choix de bouteille est une décision qui requiert d’autres investissements, au-delà des matières mêmes. C’est un vrai parti-pris, nous nous devons de porter la transition écologique et ainsi emmener le groupe et les consommateurs avec nous dans cette mission.
Quelles sont les spécificités d’embouteillage pour ses bouteilles plates : faut-il une chaîne spécifique pour leur conditionnement ?
C’est un cauchemar ! Nous faisons appel à un camion de prestation pour réaliser une mise spécifique. C’était aussi un cauchemar de dévelopemment : nous souhaitions une esthétique sans étiquette, mais il a été compliqué d’avoir une sérigraphie sur la bouteille… Notre chance est que le château Galoupet ait encore une petite production : on peut faire des essais, on peut tester.
Quels sont vos retours de clients ? Il semble qu’en Europe du Nord la demande soit forte pour les bouteilles en PET…
Les monopoles scandinaves sont un cran devant. Ils ont cette capacité de contrôle et d’éducation des consommateurs.
Quelle est votre prochaine étape : le réemploi des bouteilles en verre, avec une consigne ?
C’est mon rêve ! Sur la bouteille de cru classé, le millésime n’apparaît que sur la contre-étiquette, pour garder une voie ouverte au reremplissage. Mais c’est cauchemar logistique et pour garder du sens, il ne faut pas que cela dépasse 200 kilomètres…