achetée à l’automne dernier par le premier producteur néo-zélandais de vins, Indevin, Villa Maria entame un nouveau chapitre de son histoire vieille de 60 ans. A l’échelle de la filière vitivinicole néo-zélandaise, c’est beaucoup. Le moment est ainsi venu de revoir la politique prônée jusqu’à présent en Nouvelle-Zélande, axée quasi exclusivement sur le sauvignon blanc de Marlborough. Si la récolte 2022 est qualifiée par le directeur commercial et marketing international Matt Deller MW de « fantastique », celle de 2021 a laissé un goût amer dans la bouche des professionnels néo-zélandais et de leurs interlocuteurs à travers le monde.
« La demande de sauvignon blanc de Marlborough a dépassé les capacités de production et nous avons dû renoncer à 1 million de caisses que nous n’arrivions pas à fournir ». Et cette situation pourrait se reproduire aisément à l’avenir : « Nous nous attendons déjà à une petite récolte en 2023 », regrette le responsable commercial de la première marque néo-zélandaise vendue au Royaume-Uni et en Irlande. Un pronostic qui pousse les producteurs à accélérer la mise en marché des vins millésimés 2022 : « Fort heureusement, les vendanges étaient légèrement précoces cette année et nous nous dépêchons à mettre les vins en bouteille. Nos expéditions sont prévues en juin et juillet, c’est du jamais vu ».
La réalité, c’est que le système néo-zélandais, fort réussi, atteint ses limites. La principale région productrice du pays, Marlborough, est plantée à 95 %, et même les zones marginales sont déjà plantées. 2021 a donc servi de « remise à plat » de la stratégie appliquée jusqu’à présent. « Le côté positif de l’année 2021, c’est qu’elle a apporté une opportunité énorme pour premiumiser notre offre », estime Matt Deller. Chez Villa Maria, la premiumisation suit deux axes prioritaires : les vins de terroir et ceux issus du développement durable/viticulture biologique. Dans le premier cas, cela se traduit par des cuvées parcellaires et l’expression des sous-zones. « Chaque vallée recèle des sols et des conditions climatiques différents. D’ailleurs, les Maoris avaient déjà un mot pour désigner un lieu particulier, le "whenua" », souligne le Master of Wine.
Cette année, cinq cuvées portant le nom de sous-zones seront lancées, suivies d’un vin icône. Leur prix consommateur se distingue nettement de celui de l’entrée de gamme Private Bin, commercialisée en Europe entre 10 et 14 € selon les marchés. « La marque Icon coûte cher à élaborer. Nous utilisons de petites barriques par exemple et les raisins proviennent d’une parcelle en propre située devant la cave », défend le responsable commercial international. Son positionnement, autour de 50 €, laisse augurer de l’évolution des prix des vins néo-zélandais à l’avenir, sous l’effet conjugué de la hausse des coûts de la matière première et des matières sèches, et de la politique de premiumisation. « Cette évolution est logique, nos vins ne sont pas des commodités », abonde Sarah Szegota, directrice communications et marketing de Villa Maria. « Nous nous considérons comme du Champagne, qui ne peut provenir de nulle part ailleurs ».
Autre axe stratégique prioritaire : le développement durable. « Nous sommes membres fondateurs de Sustainable Winegrowing New Zealand », rappelle Matt Deller. « Nous venons de recruter des consultants pour nous aider à développer cet aspect de notre entreprise, qui sera primordial à l’avenir ». En 2021, Villa Maria a lancé sa marque "Earth Garden" : « Les vins biologiques représentent un autre moyen de diversifier notre offre en donnant des vins plus nuancés », explique Sarah Szegota, ajoutant que « la culture biologique est plus facile à raconter aux consommateurs que les vins issus du développement durable ». Il n’en reste pas moins que la maison prône une approche globale du développement durable, intégrant le packaging, les émissions de carbone, la population locale et l’utilisation des ressources hydriques et de l’énergie. Cet axe, tout en étant inscrit dans la stratégie de l’entreprise depuis le milieu des années 1990, va assumer une importance croissante à l’avenir. Et quand le plus gros producteur néo-zélandais s’impose ces orientations, il y a fort à parier que la filière tout entière suivra.
Son nom n’est pas très connu, mais il représente pourtant environ 20 % de la production néo-zélandaise de vins pour un sourcing sur plus de 3 000 hectares. Fondée en 2003, la société s’est spécialisée dans l’approvisionnement des marques de distributeurs et autres Private Labels auprès de grands distributeurs tels Tesco et Waitrose, d’où son manque de notoriété. Avant le rachat de Villa Maria, elle commercialisait quelque 400 000 hl de vins, élaborés dans six caves de vinification. La reprise de la célèbre marque néo-zélandaise lui permettra de faire la transition d’une approche B2B à une démarche orientée vers le consommateur.