es ministères en charge de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche ont demandé à l’Inrae et à l’Ifremer de piloter un état des lieux des connaissances sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité. « 46 experts affiliés à 19 organismes ont examiné 4 000 références scientifiques » détaille Sophie Leenhardt, coordinatrice du projet, pour l’Inrae, ce 5 mai.
« La densification des réseaux de surveillance et l’amélioration des techniques d’échantillonnage et d’analyse nous donnent une image beaucoup plus précise de la contamination de l’environnement que celle issue des dernières expertises de 2005 et 2008 » complète Wilfried Sanchez, de l’Ifremer.
Cette contamination implique une diversité de substances actives, de produits de transformation de ces substances, d’adjuvants et de coformulants utilisés dans les préparations commerciales. « Elle se diffuse à partir des zones agricoles le long du continuum terre-mer jusqu’aux océans, avec des concentrations en glyphosate qui peuvent par exemple encore atteindre le microgramme par litre en zones côtières » poursuit l’ingénieur, indiquant par ailleurs que certaines molécules interdites depuis plusieurs dizaines d’années sont encore retrouvées dans les grands fonds marins ou dans les zones polaires, comme aux îles Kerguelen.
Derrière la modification de l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes, et les changements climatiques, cette pollution aux produits phytos est la quatrième cause majeures du déclin de certaines populations. « On peut citer les populations d’invertébrés terrestres, parmi lesquels les insectes pollinisateurs, ou les coléoptères prédateurs de certains ravageurs comme les coccinelles » illustre Stéphane Pesce, de l’Inrae.
La biodiversité des oiseaux est également affectée à l’échelle française et européenne. « La contamination par les produits phytopharmaceutiques des zones agricoles contribue au risque d’extinction à court terme de 9 à 15 % des espèces recensées ». Les organismes aquatiques vivants dans les cours d’eaux jouxtant les cultures ne sont pas épargnés avec « des pertes qui peuvent atteindre 40 % du réservoir d’espèces de macro invertébrés dans les zones les plus polluées par les substances actives ». Un quart des amphibiens seraient également en voie de disparition.
Selon les experts, les produits phytos en outre induire des pertes d’orientation ou de capacités de vol chez les oiseaux, des déficiences immunitaires augmentant la sensibilité aux parasites et pathogènes, ou des modifications comportementales impactant l’alimentation, la reproduction ou la capacité à fuir les prédateurs.
Leur état des lieux confirme que les modalités d’application des produits phytos et certains aménagements paysagers (bandes enherbées, haies…) permettent de limiter la contamination de l’environnement et ses impacts sur la biodiversité.


Le biocontrôle pourrait également constituer une solution à cette pollution. « Mais nos recherches ont mis en lumière un manque de connaissance sur l’impact sur la biodiversité de la colonisation du milieu par des organismes vivants, insectes, acariens, bactéries, virus, phéromones ou autres substances naturelles » témoigne Laure Mamy, de l’Inrae.
Les rares résultats existants montrent que, si dans l’ensemble les produits de biocontrôle tendent à être moins persistants dans l’environnement, ce n’est pas le cas de certains microorganismes insecticides comme le bacillus thuringiensis ou de substances comme le spinosad, l’abamectine ou les pyréthrines.
« La bibliographie indique aussi que certains produits de biocontrôle peuvent avoir une écotoxicité équivalente voire supérieure à celle de certains produits de synthèse. De nouvelles recherches sont nécessaire pour mieux les connaître ».