ans une interview accordée au quotidien italien La Repubblica, la présidente de l’association Federvini tire la sonnette d’alarme. « C’est l’ensemble du système qui s’écroule », prévient Micaela Pallini. L’Italie est le pays exportateur le plus exposé aux répercussions de la guerre sur le commerce du vin. D’après l’agence nationale ICE, les entreprises italiennes exportent des vins et moûts d’une valeur de 345 millions d’euros à la Russie, auxquels s’ajoutent les exportations vers l’Ukraine, dont la valeur est estimée à 64 millions d’euros. Les deux destinations représentent près de 6 % de l’ensemble des exportations italiennes de vins. Selon la Federvini, les exportateurs italiens se sont beaucoup focalisés sur le marché russe ces dernières années et certaines appellations s’y sont particulièrement bien implantées.
Près de la moitié des exportations italiennes vers la Russie portent sur les effervescents, et la DOCG Asti est donc très touchée. « Le marché est toujours paralysé et il n’y a aucune perspective positive à l’horizon » déplore la présidente de Federvini, qui estime que la perte de ces marchés « serait très grave pour nos entreprises ».
Comme l’explique Emanuele Rocca de l’entreprise italienne Angelo Rocca & Figli (Dezzani), qui commercialise quelque 11 millions de bouteilles de vins dans une cinquantaine de pays, l’impact ne se limite pas aux exportations elles-mêmes. « L’Italie achète environ 40 % du gaz qu’elle utilise à la Russie. En raison de la guerre et de notre dépendance sur la Russie pour nos besoins en gaz, la plupart des entreprises italiennes sont confrontées à d’importantes augmentations des coûts fixes, comme les coûts de l’énergie ».
Le prix du verre a également été impacté car les fours fonctionnent au gaz, provoquant une forte hausse du coût des matières sèches. « Le prix des matières sèches a augmenté de 15 à 20 % et nous n’avons aucune certitude sur les tarifs futurs », s’inquiète Emanuele Rocca, dont l’entreprise possède des installations dans plusieurs régions italiennes. « Le principal problème qui se pose à l’heure actuelle, c’est que malheureusement les chaînes de distribution ne veulent pas reconnaître l’augmentation des coûts à laquelle les entreprises sont confrontées, ce qui fait baisser les marges des producteurs ».
Quant aux répercussions directes sur les marchés, Emanuele Rocca note l’impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs en raison de l’inflation des prix provoquée par la guerre, de même que les obstacles financiers au niveau des opérateurs. « Les entreprises d’assurance-crédit ont annulé le crédit accordé à nos clients et ceux qui achètent auprès des caves doivent régler à l'avance. Le règlement doit provenir d’une banque qui n’a pas été sanctionnée et la valeur du rouble varie de jour en jour. Il faut aussi prévoir des délais de livraison plus longs en direction de la Russie ». Pour la maison Dezzani, aussi, les perspectives ne sont guère réjouissantes : « La classe moyenne était la plus grande consommatrice de vins italiens en Russie, mais elle s’appauvrit et consomme donc moins de vins ».
L’Italie n’est pas le seul pays préoccupé par l’impact de la guerre sur les marchés importants que sont la Russie et l’Ukraine. L’Espagne aussi est en train d’évaluer les répercussions pour sa filière vitivinicole. L’Observatoire espagnol du marché du vin vient de chiffrer à 91,3 millions d’euros la valeur des exportations potentiellement touchées par le conflit. Son évaluation tient compte, non seulement des ventes directes vers les deux marchés, mais également des expéditions qui transitent vers des pays comme la Lettonie et la Lituanie. Elle porte sur les vins, mais aussi sur les moûts et les vinaigres. De même, l’OEMV a pris en considération les ventes de vins espagnols en vrac à d’autres pays producteurs comme la France, l’Italie et l’Allemagne, qui sont conditionnés et ensuite expédiés vers la Russie ou l’Ukraine. Enfin, la Biélorussie est également comprise dans l’analyse en raison des sanctions potentiellement touchant ce pays.