Emmanuel Macron : La France est attendue pour sa gastronomie et ses vins et j’ai toujours été très fier de porter cette excellence, ce rayonnement dont nous avons besoin. Je le fais en tant qu’amateur de vin et aussi en tant que chef d’Etat en ayant à cœur de mettre en avant la gastronomie française. Notre République n'existe pas sans ces terroirs.
Quelle est votre vision du vin : une boisson conviviale et patrimoniale ou un atout économique et symbolique pour la France ?
Tout cela à la fois en rajoutant le principal : ce sont avant tout des femmes et des hommes qui sont derrière chaque vignoble. Je suis très fier de cette richesse française. Au-delà du fait que le vin est effectivement culturel, patrimonial, qu’il est synonyme de convivialité et qu’il est chargé d’histoire et de géographie de terroirs, il véhicule une image valorisante de la France. C’est aussi une force économique. Ce patrimoine est enraciné dans nos territoires et est capable de faire rayonner notre pays : le vin nous permet en même temps d’accueillir et de conquérir dans le monde. Il n'y a pas de grande diplomatie, il n'y a pas de grands rayonnements économiques, s'il n'y a pas derrière celles et ceux qui savent susciter ces émotions et porter un autre visage du pays, la gastronomie française en fait partie.
La dénormalisation de la consommation d’alcool en général, et de vin en particulier, revient dans de nombreux projets de santé publique. À la présidence, quelle serait votre politique en la matière : promotion de la consommation avec modération ou renforcement des protections contre les consommations excessives ?
Il faut avant tout travailler sur la prévention contre les consommations excessives et les consommations à risque, les femmes enceintes et les jeunes par exemple. Il ne s’agit pas d’aller vers le zéro alcool mais bien de prévenir les excès et de mieux aider ceux qui sont dans la dépendance à en sortir.
Le vignoble s’empare de la transition agroécologique : souhaitez-vous accompagner le vignoble à son rythme (aides aux certifications, à la réduction des intrants, compensation des Zones de Non Traitement, ZNT…) ou aller plus vite (interdire certaines pratiques, réduire les matières actives, augmenter les ZNT…) ?
L’interdiction par l’injonction, en mettant nos agricultures dans l’impasse, ne mène à rien : il faut avant tout investir dans les transitions, anticiper et trouver les solutions alternatives. Il faut de l’accompagnement puis des solutions alternatives. C’est dans l’équilibre que nous avancerons. Depuis 2018 et la loi EGALIM, beaucoup de progrès ont été fait. Nous devons continuer dans ce sens pour faire dans les années à venir, du vignoble français, le vignoble de référence. C’est notre rôle de leader. Nous devons accélérer en matière de certification Haute Valeur Environnementale (HVE) notamment, tout comme en bio.
S'agissant de la mise en œuvre des ZNT, nous avons respecté l'injonction du Conseil d'État mais en essayant de procéder de la manière la plus pragmatique possible. La question des compensations est très importante, notamment pour des agriculteurs qui ne disposeraient pas de solution alternative à des produits qu'ils ne pourraient plus utiliser, après fixation de la distance minimale, car cette situation viendrait leur retirer des capacités de production. Nous nous devons d'identifier avec la profession les voies et moyens des indemnisations et compensations. Le volet agricole de France 2030 va nous permettre de continuer à soutenir la filière, dans ses efforts de modernisation et d’investissement dans l’innovation.
Face au dérèglement climatique, quelle serait votre politique de soutien (assurance récolte, mises en réserve…) ?
L’assurance récolte a été votée avec une structure de base comportant 3 niveaux : la responsabilité de l’exploitant, l’assureur et la solidarité nationale. Le travail continue avec les assureurs et les filières afin que ce système soit opérationnel pour janvier 2023. Au-delà, une réflexion doit être engagée sur les mises en réserves, comme cela peut se trouver actuellement en Champagne. D’autres vignobles étudient actuellement de tels mécanismes. Nous devons les accompagner. Par ailleurs, la profession a remis dans le cadre d’une Varenne de l’eau un plan d’adaptation du vignoble face au changement climatique. C’est un très gros travail fait par la profession, que je souhaite accompagner pleinement.
Avec le changement massif de génération à venir se pose la question de la fiscalité de la transmission familiale des biens viticoles : quelle serait votre réponse ?
Nous devons prendre en compte ce défi de la transmission en apportant des solutions. Une entreprise qui se transmet c’est une entreprise performante économique donc nous avons annoncé le maintien de l’exonération de Travailleur Occasionnel Demandeur D’Emploi (TODE) et nous voulons aller plus loin sur les allégements des impôts de production. A la fois sur la transmission familiale mais aussi pour celle hors cadre familial, nous devons effectivement réfléchir à des dispositions plus attractives qu’aujourd’hui notamment en termes de financement avec des outils de portage du foncier. Plus généralement le problème se pose au niveau de toutes les filières agricoles : faire en sorte que les jeunes aient envie de s’installer et donc faire en sorte qu’ils puissent vivre de leur travail et que des vocations puissent naître (investissement dans les lycées agricoles et l’apprentissage). C’est le sens de la grande loi d’orientation et d’avenir que je propose. Enfin, le député Éric Gigardin vient de remettre des propositions sur la transmission du vignoble, je vais regarder ses propositions de près.
Comment voyez-vous le vignoble français à la fin de votre mandat, en 2027 ?
Je le vois plus fort économiquement, plus résistant par l’innovation : un secteur vivant du patrimoine culturel de notre pays.