hacun son métier, et la vocation d’une banque n’est pas forcément de gérer un parc de matériels viticoles. Pourtant, elles investissent dans du matériel, pour le louer à leurs clients sur des durées fixées à l’avance. Au terme de la location, le viticulteur peut, ou non, acquérir ces matériels. Appelé « crédit-bail mobilier », lorsque le contrat est assorti d’une option d’achat, ou « location financière » sinon, ce mode de financement est aussi connu sous le nom de « leasing ». Méconnu il y a vingt ans en agriculture, il a désormais le vent en poupe.
En charge de ce produit pour la Banque Populaire Occitane, et responsable du marché agri-viti de BPCE Lease, Lionnel Fontanille dévoile deux chiffres. « En Occitanie, nos quarante chargés de clientèle agricole et viticole proposent le leasing. Ce marché représentait 1,5 million d’euros (M€) il y a trois ans. Il a atteint 11 M€ l’an dernier… »
Le crédit-bail domine, mais la location financière se développe sous l’impulsion des constructeurs, qui y voient un moyen de fidéliser leurs clients. Le leasing est d’autant plus intéressant que son coût est très proche de celui d’un crédit classique.
Thomas Schutz, gérant du domaine Ruhlmann-Schutz, 40 ha à Dambach-la-Ville, en Alsace, finance ses tracteurs et voitures d’entreprise via le crédit-bail. « Nous avons des contrats de location sur quatre ou cinq ans avec la banque, détaille-t-il. Nous les rachetons ensuite à 1 % de leur valeur d’origine, sachant qu’ils restent utilisables plusieurs années. Les loyers sont comptabilisés comme des charges d’exploitation. Ainsi, ils ne dégradent pas notre taux d’endettement, ce qui peut rassurer nos fournisseurs et financeurs. »
« C’est l’un des intérêts du crédit-bail, approuve Lionnel Fontanille. Dans le monde viticole, il faut investir beaucoup en matériel et régulièrement, pour une rentabilité parfois limitée. Le ratio de solvabilité en est souvent très impacté. Les loyers du crédit-bail n’impactent pas ce ratio. De plus, le viticulteur n’a pas à faire l’avance de la TVA : la banque achète le matériel pour le compte de son client et acquitte la TVA. Le client la paye sur ses loyers, ce qui évite les à-coups de trésorerie. »
L’autre atout de ce mode de financement est sa souplesse. Laurence Brumont y a recours pour cela. « Notre recherche d’innovation et de qualité nous conduit à investir plus d’un million d’euros chaque année, pose la directrice générale des Châteaux Montus et Bouscassé à Maumusson-Laguian, dans le Gers, qui totalisent 300 ha en Madiran et Côtes de Gascogne. Nous diversifions nos modes de financement : crédit classique pour les investissements structurels, crédit-bail mobilier pour les investissements réguliers dont la durée de vie est plus courte. » Parmi ceux-ci figurent les fûts. « Chaque année, nous investissons de 250 000 à 300 000 € dans des barriques neuves. Certains fûts fabriqués par de grands tonneliers coûtent plus de 1 000 € mais peuvent durer jusqu’à sept ans. En fonction des barriques achetées, mais aussi des résultats de l’année et de l’état de notre trésorerie, nous dialoguons avec notre banquier pour ajuster la durée de financement entre trois ans et sept ans. »
Les loyers de crédit-bail peuvent être mensuels, trimestriels ou encore annuels. Leur montant, résultant de la durée de la location et de la valeur résiduelle, est négocié avec la banque. La destination du matériel joue également : un tracteur de tête sera financé sur une durée plus courte qu’un tracteur secondaire, pour être en adéquation avec sa durée de vie.
Le contrat de leasing permet aussi de lever l’option d’achat avant terme. Le viticulteur peut, par exemple, choisir de racheter le matériel à une valeur résiduelle donnée au bout de soixante mois, ou à une valeur inférieure au bout de quatre-vingt-quatre mois. Autre atout, sur le plan fiscal : le premier loyer peut être majoré, dans certaines limites, suite à un produit exceptionnel, par exemple la reprise de l’ancien matériel. Un viticulteur qui achète un tracteur à 100 000 € en crédit-bail et revend l’ancien pour 20 000 € peut ainsi opter pour un premier loyer majoré de ce montant, qui limitera l’impact fiscal de cette rentrée d’argent. « Le crédit-bail s’adapte à presque toutes les situations », résume Lionnel Fontanille.
C’est cette flexibilité qui intéresse Alain Gauthier, viticulteur en Champagne sur 2,7 ha et prestataire de service sur 80 ha. « Mes tracteurs tournent 800 heures/an, expose-t-il. Je fais un crédit-bail sur sept ans avec une valeur résiduelle à 1 %. Mais je revends mon tracteur au bout de trois ans au constructeur, qui s’est engagé à le racheter. Le produit de cette vente me permet de solder mon contrat de crédit-bail tout en lissant ma fiscalité, et sans affecter mon taux d’endettement. Avec un crédit classique sur trois ans, les annuités seraient trop élevées. Et, si je remboursais par anticipation un crédit classique sur sept ans, je paierais des frais trop élevés. »
Les banques ne s’immiscent pas dans le choix du matériel ni du constructeur. Le client est libre, même si elles préfèrent financer du matériel de grande diffusion. En viticulture, tout ce qui est mobile peut facilement être financé par crédit-bail : tracteur, machine à vendanger, barriques, pressoir, etc.