omment évolue le marché du bouchage des vins en France ? À cette question simple, les réponses sont multiples et contradictoires. Comme il n’existe aucunes données consolidées, les fabricants et leurs organisations ont beau jeu d’avancer leurs chiffres.
Chargé de mission à la Fédération française du liège, Jean-Marie Aracil est formel : les bouchons en liège restent de très loin majoritaires. « Sur 3,04 milliards de bouteilles conditionnées en France durant la campagne 2019-2020, les bouchons en liège naturel ou technique représentent 2,32 milliards, soit plus de 75 % de part de marché. Les bouchons en plastique arrivent en seconde position avec 12 % de part de marché, puis la capsule à vis qui est aux alentours de 10 %. Après avoir eu des soucis, les bouchons en liège regagnent des parts de marché. Cette croissance a d’abord été portée par les bouchons techniques qui, les premiers, ont apporté une solution au goût de bouchon. Mais, depuis 2019-2020, on observe un retour vers le liège naturel, sans doute là encore grâce aux innovations qui garantissent une plus grande sécurité vis-à-vis de ces goûts de bouchon. »
Des chiffres confirmés par Amorim, premier producteur mondial de bouchons en liège. « Le liège progresse sur tous les segments. Nous prenons des parts de marché aux bouchons synthétiques, grâce à la grande distribution qui impose le retour au liège sur certaines de ses gammes », soutient Franck Autard, directeur général d’Amorim France.
Début 2020, ce bouchonnier a lancé le traitement Naturity garantissant que 99 % de ses bouchons naturels relarguent moins de 0,5 ng/l de TCA, ce qui correspond au seuil de détection. « Depuis, nous enregistrons une hausse de 10 à 11 % de nos ventes, y compris sur nos entrées de gamme », poursuit le dirigeant.
Chez Diam Bouchage, Bruno de Saizieu, le directeur commercial et marketing, prédit un avenir radieux au bouchon technique à base de liège, catégorie dont il est le leader. « Nous venons de réaliser une année exceptionnelle avec 2,4 milliards de bouchons vendus dans le monde dont 20 % en France, soit plus de 20 % de croissance. »
Pour Bruno de Saizieu, ce succès tient au fait que ces bouchons sont garantis 100 % sans TCA et qu’ils offrent un bouchage identique d’une bouteille à l’autre. « Pour le moment, nous proposons trois niveaux de perméabilité à l’oxygène. Ce n’est pas suffisant. Nous mettons de gros moyens pour élargir notre offre », annonce Bruno de Saizieu. Grâce à cela, Diam Bouchage compte poursuivre sa croissance en touchant les marchés haut de gamme. « D’ici cinq à dix ans, 80 % des bouchons tubés disparaîtront au profit de micro-agglomérés », prédit Bruno de Saizieu.
Du côté de Vinventions, spécialiste du bouchon synthétique et de la capsule à vis, on tient un discours diamétralement opposé : « c’est la capsule à vis qui arrive en tête des bouchages posés sur les bouteilles produites en France, avec 40 % de parts de marché. Les bouchons techniques arrivent en deuxième position avec 36 % de parts de marché, puis bouchons synthétiques avec 14 % et le liège naturel avec 10 %, pas plus », affirme Stéphane Vidal, directeur général Europe.
Ce dernier dément la perte de vitesse des bouchons synthétiques, du moins chez Vinventions. « Nos ventes de bouchons Nomacorc ont progressé de 4 % en 2021. Lancée en 2013, notre gamme Green Line, au faible impact carbone, fabriquée à partir de dérivés de la canne à sucre, nous a permis de pénétrer le marché des AOC haut de gamme. Mais nos clients sont également préoccupés par la pollution générée par les plastiques. Blue Line leur apporte une réponse. » Le groupe compte beaucoup sur sa dernière innovation, Blue Line, composée à 50 % de plastique recyclé.
Une chose est sûre, la bataille fait rage entre les fabricants, qui investissent massivement dans la recherche et le développement pour défendre leurs parts de marché. La filière viticole ne peut que s’en réjouir.
Tous les bouchonniers vantent leur engagement environnemental. « Notre objectif est de réduire de 50 % notre empreinte carbone d’ici à cinq ans », confie Bruno de Saizieu chez Diam Bouchage. L’entreprise catalane s’investit depuis dix ans pour relancer les filières liège françaises. En novembre 2020, elle s’est associée avec la Région sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’ASL Suberaie Varoise pour planter 3 252 chênes-lièges sur 6 hectares en Provence.
Pour sa part, Amorim annonce des chiffres records d’absorption de carbone par ses bouchons : 309 g de CO2 pour un bouchon en liège naturel pour vin tranquille et 562 g de CO2 pour un bouchon de champagne. Des valeurs surestimées selon ses concurrents Diam Bouchage et Vinventions. « Ces chiffres intègrent la séquestration de carbone par la forêt qui produit le liège. Or cela ne devrait pas être inclus », critique Stéphane Vidal, directeur général Europe de Vinventions.
Enfin, la Fédération française du Liège indique que 350 tonnes de bouchons en liège sont recyclées chaque année, en hausse de 10 à 12 % par an. Pour accélérer ce développement, elle a lancé la marque collective « liège recyclable » destinée à être apposée sur les contre-étiquettes afin d’inciter le consommateur à apporter ses bouchons dans des points de collecte. Reste à multiplier ces points qui seraient au nombre de 4 000 à ce jour, contre 180 000 containers pour le recyclage du verre.