ieillis en fût, les Portos « Tawny » sont des assemblages de vins fortifiés dont la moyenne d’âge est de 10, 20, 30 ou plus de 40 ans. En toute logique, plus le vin a vieilli, plus il sera cher. Alertés par des prix de vente couvrant à peine les coûts de production, trois journalistes – dont un portugais du journal Expresso – ont décidé de faire une enquête pour déterminer l’âge exact des "Tawny" dont l’âge moyen mentionné sur l’étiquetage était de 10 ou 20 ans. Bénéficiant d’une subvention accordée fin 2019 par le Fonds européen pour le journalisme, ils ont fait appel au Centre de recherche isotopique (CIO) de l’Université de Groningue pour faire réaliser des analyses au carbone 14. L’Institut a mesuré l’âge de l’éthanol ainsi que celui du sucre.
D’après le CIO, sur la base de ces analyses, des âges non conformes à ce qui était indiqué sur les bouteilles ont été identifiés dans quatorze des vingt Portos analysés. Toujours selon le CIO, quatre d’entre eux étaient plus âgés, et dix, plus jeunes. Dans deux autres Portos, l’éthanol a été mis en cause comme n’étant pas d’origine vinique. Pour certaines marques, et non des moindres, l’âge moyen se situerait dans une fourchette de 1 à 4 ans, ou bien 2 à 4 ans, 2 à 6 ans, 5 à 8 ans et 7 à 9 ans pour les cuvées dont l’âge moyen était censé s’élever à 10 ans. Pour les 20 ans d’âge, l’analyse montrait des âges moyens allant de 15 à 17 ans et de 17 à 19 ans. Il est à noter que les marques premium telles que Grahams, Taylors, Dow et Warre n’étaient pas mises en cause – leur âge moyen correspondait bien à ce qui était indiqué – mais plutôt des marques de distributeurs ou marques secondaires.
Résultat : de grandes chaînes de distribution comme Albert Heijn et Makro ont retiré les Portos montrés du doigt des linéaires, et certains importateurs ont également suspendu leur commercialisation. De même, l’autorité néerlandaise de la sécurité alimentaire et des produits de consommation (NVWA) aurait transmis un rapport au réseau européen des fraudes alimentaires, estimant que si les mentions figurant sur l’étiquetage ne correspondent pas au contenu des produits, il y a tromperie. De son côté, l’Institut des vins du Douro et de Porto a publié un communiqué, précisant que la mention d’âge sur les "Tawny" 10 ou 20 ans d’âge est parfaitement encadrée par la réglementation et qu’elle correspond aussi à un profil organoleptique
« Malgré cela, nous suivons constamment les évolutions scientifiques et nous cherchons à intégrer les connaissances scientifiques les plus récentes dans le processus de certification de l'AOP Porto », a déclaré Gilberto Igrejas, président de l'Institut des Vins du Portugal (IVDP). Rappelant que la méthode d’analyse utilisée n’a pas encore été approuvée sur le plan international par l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) et que l’étude n’a pas été publiée dans une revue scientifique à comité de lecture, l’IVDP souhaite collaborer de manière active avec le CIO pour « compléter le cadre réglementaire d’agrément » de l’Institut. Il faut dire que le centre de recherches néerlandais reconnaît lui-même qu’il y a une marge d’erreur de deux ans sur ses résultats. Quoi qu’il en soit, l’image des vins mutés portugais a indéniablement souffert de cette mise en cause, les résultats ayant été diffusés sur l’émission de télévision néerlandaise Meldpunt. Pis, l’impact pourrait s’étendre au-delà des frontières néerlandaises pour toucher des marchés de premier plan comme la France ou le Royaume-Uni, classés respectivement 1er et 3ème marchés à l’export des vins de Porto en volume en 2021.