alle au centre. Ce 29 décembre, le Conseil d'État reconnaît l’imprécision des critères de l'aire de proximité immédiate de l’appellation Chablis, tout en déboutant le vigneron de l’Yonne demandant que sa commune y soit intégrée afin de pouvoir vinifier l’AOC sur la municipalité d’E. (les noms sont anonymisés, à la demande du producteur qui ne souhaite pas commenter). Comme le résume le jugement de la plus haute juridiction administrative : si « le cahier des charges de l'appellation ne contient aucune indication sur les critères ayant présidé à la délimitation de l'aire de proximité immédiate propre à l'AOC "Chablis", […] il ne ressort pas des pièces du dossier que des facteurs humains suffisants justifieraient l'inclusion de la commune d’E. à titre pérenne dans l'aire de proximité immédiate ».
Demandant, en vain, à Matignon la modification du décret n° 2011-1752 homologuant le cahier des charges de l'AOC " Chablis" (essentiellement le 3° du IV du chapitre Ier, délimitant l'aire de proximité immédiate), le vigneron en question dénonce un abus de pouvoir qui n’est qu’en partie reconnu par le Conseil d'État. « Il ressort des pièces du dossier que l'aire de proximité immédiate du vin de Chablis dans laquelle peuvent avoir lieu les opérations de vinification, d'élaboration et d'élevage des vins, est composée de 482 communes réparties sur quatre départements, dont certaines se situent à plus de 200 kilomètres de l'aire géographique de production, et a été délimitée en fonction d'usages de vinification existant dans l'aire de production de l'appellation dite de repli (l'AOC " Coteaux bourguignons ") » note la juridiction administrative. Comme « le choix d'une telle aire de proximité immédiate n'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facteurs naturels et humains propres à l'AOC " Chablis" », le plaignant « est donc fondé à soutenir que le décret attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit » indique le jugement, qui indique que « le décret doit être abrogé dans la mesure demandée par la requête » et demande à l’État de verser 3 000 € au profit du plaignant.


« En revanche, il ressort des pièces du dossier que si l'exploitation [du vigneron] est établie dans la commune d'E. […] et qu'une attestation des douanes datée de 2005 indique que ce dernier a revendiqué le bénéfice de l'AOC sur la totalité des vignes aptes à en bénéficier*, il n'est pas démontré que des usages de vinification de longue date étaient établis dans la commune d'E., ni que le vigneron était enregistré sous le statut de " récoltant commercialisant " dans le casier viticole informatisé, pratiquait de longue date la vinification des raisins récoltés » nuance le Conseil d'État, jugeant qu’
« en revanche, l'abrogation du décret en tant que le cahier des charges qu'il homologue instaure une aire de proximité immédiate n'impliquant pas nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que l'auteur du décret instaure une nouvelle aire de proximité immédiate ayant la délimitation demandée dans la requête ».
Estimant qu’il s’agit d’une demande particulière, Adrien Michaut, le président de la Fédération de Défense de l'Appellation Chablis, indique qu’il n’est pas prévu de modification du cahier des charges : « c’est le seul dans son cas. D’autres vignerons ont construit par le passé des caves dans des villages du Chablisien pour obtenir l’AOC. On ne peut pas appliquer deux poids et deux mesures ». Après cette décision judiciaire, Louis Moreau, le vice-président de la commission Chablis au sein de notre Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), espère qu’il n’y aura pas de nouveau recours : « il n’y a pas de souhait d’élargir l’aire AOC. Si l’on commence à laisser entrer une commune, d’autres vont vouloir venir. La volonté est de protéger l’aire connue et actuelle. »
* : Le vigneron en question était un ancien coopérateur de la Chablisienne, qui souhaite désormais produire l’AOC sur sa commune, qui n’est pas intégrée dans la liste des communes aptes à la vinification du Chablis.