yril Giresse, le gérant du château Gravettes Samonac (40 ha, AOC Côtes de Bourg) à Samonac en Gironde n’en démord pas. « C’est injuste. Depuis six mois, j’observe des critiques dans la presse, sur les réseaux sociaux, à la télé. La certification Haute Valeur Environnementale (HVE) est accusée de ne pas être une vraie labellisation. Seul le bio aurait une vraie valeur environnementale. Dans l’esprit des consommateurs, le bio veut dire ne pas traiter. Or c’est faux. En 2021, j’ai traité huit fois quand les bios ont fait une vingtaine de passage. Je ne veux pas opposer bio et conventionnel, je n’en vois pas l’intérêt. Mais attention aux amalgames. L’important est de mieux faire et d’avancer collectivement », estime-t-il.
Certifié HVE depuis le millésime 2019, Cyril Giresse écoule 40 % de sa production en bouteilles. Il explique régulièrement ce label aux particuliers qui viennent à la propriété ou sur les salons. « C’est un système d’amélioration continue », répète-t-il. A Divatte-sur-Loire, en Loire Atlantique, Carmen Suteau, certifiée depuis 2014, en est convaincue. « La HVE permet de progresser car on analyse tous les postes de l’exploitation », dit-elle. Le label figure en bonne position sur son site internet et dans sa cave. Aux clients qui viennent à la propriété, le domaine du Champ Chapron, 63 ha, en AOC Muscadet et Coteaux d’Ancenis (60 % en direct et 40 % vrac), elle explique avec des mots simples que passer ce label lui a donné l’envie d’en faire plus pour la biodiversité.
« La HVE c’est l’assurance pour le consommateur que le vigneron respecte l'écosystème, qu’il participe à la beauté des paysages viticoles et qu’il est attentif à toutes ses pratiques viticoles », indique-t-elle. Et de rappeler ses efforts pour ne pas travailler le sol, pour mettre en place des bandes enherbées, etc.
Carmen Suteau ne décolère pas face aux critiques et aux médias généralistes qui les relaient. « Je ne comprends pas cet acharnement. C’est un tissu de bêtises qui me fait bondir. C’est inadmissible de se faire la guerre entre nous de cette façon », lâche-t-elle évoquant les attaques des bios. Et de conclure : « La HVE n’est pas assez expliquée, il faudrait une bonne campagne communication ».
Au château Baudare David Vigouroux se rassure. « J’ai entendu des critiques. Mais au final ce qui qui compte c’est que le consommateur ne remette pas le label en cause », veut croire ce vigneron à la tête de 55 ha en AOC Fronton à Labastide Saint Pierre, dans le Tarn et Garonne. Alors, il défend bec et ongle la certification qu’il a obtenue dès le millésime 2017 et qu’il affiche en grand dans son chai. « Nous avons toujours eu une démarche environnementale. Ce label m’a permis de la renforcer », assure-t-il. Sur ses contre-étiquettes, il mentionne « plus de résidus d’insecticides dans le vin », « bandes enherbées dans les vignes ».
David Vigouroux émet toutefois un bémol : « Je suis contre l’option B basée sur la part des intrants dans le chiffre d’affaires. Cette vision comptable est à supprimer. La HVE c’est pour progresser, pour limiter le nombre de traitements, et impliquer les salariés. Depuis 2017 j’ai adopté la confusion sexuelle. Je n’utilise plus de mancozèbe car il est classé CMR. Cela augmente le coût à l’hectare mais c’est plus vertueux".
Le label a aussi apporté un bénéfice d’une autre nature : plus de pédagogie avec ses salariés. « C’est toujours compliqué de changer de pratiques. Alors j’ai bien expliqué aux salariés qu’on allait davantage protéger leur santé et celle des consommateurs et qu’avec la confusion sexuelle par exemple ils auraient trois passages en moins de tracteur de moins à faire. »
A Chouilly, dans la Marne, Jean-Pierre Vazart à la tête des champagnes du même nom (11 ha, 70 000 cols) voit les choses un peu différemment. Et pour cause, il est certifié HVE et Bio. « Dans la presse, sur les réseaux sociaux, on entend de tout, remarque-t-il. On met dos à dos Bio et HVE. On accuse HVE de ne pas aller assez loin dans la limitation de produits phytos. Or ce sont deux certifications complémentaires. » Lorsqu’il reçoit ses clients, il se dit « fier » d’avoir les deux. Tout en reconnaissant que le label HVE n’est pas connu des consommateurs.
Même discours pour Thierry Meze. « Dans les médias j’entends des critiques opposent Bio et HVE. C’est absurde. Tout cela me désole car le label HVE est un tremplin pour aller vers le bio », explique le régisseur de château Gautoul, 20 ha à Puy Leveque dans le Lot, en appellation Cahors.
Alors qu’il est HVE depuis 2016, Thierry Meze ne l’affiche pas sur sa propriété. « J’agis par motivation, explique-t-il. J’ai supprimé les herbicides et l’épamprage chimique. Je suis fier de ce que je fais. Je n’ai pas besoin de le crier sur les toits. En fait, les clients veulent surtout savoir si les vins sont bio. Ce sera fait en 2023 », assure-t-il.
Crée en 2012, la certification HVE se voit attaquée par des associations environnementalistes et par la Confédération paysanne. En décembre 2020, alors qu’il était question d’accorder un crédit d’impôt aux exploitations certifiées HVE, ces organisations ont ouvert le feu lors d’une conférence de presse où elles ont dénoncé, un « enfumage » et « l’illusion de transition agroécologique que constitue la certification HVE » et réclamé la suppression de l’option B, basée sur le respect d’un ratio intrants sur chiffre d’affaires inférieur à 30 %. Pour sa part, la Fnab (fédération nationale de l'agriculture biologique) considère "l’alignement du soutien entre HVE et Bio dans la PAC" comme un "affront". Depuis, le gouvernement planche discrètement sur une réforme qu’il doit présenter cette année, reconnaissant fin novembre, devant une commission sénatoriale, « un sujet sur la voie B, celle où on examine le pourcentage de phytosanitaires dans le chiffre d'affaires ».