e 23 novembre 2021, la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux prononce la nullité des marques semi figuratives château Haut-Pauillac, château Pauillac et Harmonie de château Pauillac enregistrées par la SCEA Domaines Peyronie (château Fonbadet, à Pauillac). Radiées, ces trois marques ont été respectivement déposées en 2001, 2009 et 2017 auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI). Malgré cette antériorité, la justice n’a pas retenu les arguments de prescription ou de précédent lié à l’existence des marques sur la période.
Dans leurs écritures, les dépositaires arguent surtout d’une historicité de ces marques, qui seraient inscrites dans les Guides Féret et liées à une bâtisse rachetée en 1971 à la barre du tribunal du Bordeaux. Ce bien comportant la SEUCRA Château Haut Pauillac, qui pourrait avoir un lien avec un précédent château Grand Pauillac. Mais, « en l’état des pièces communiquées, il n’est pas établi que les parcelles exploitées par la SCEA Domaines Peyronie sous les dénominations incriminées Pauillac, Haut Pauillac ou château Haut Pauillac à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle » tranche la vice-présidente du tribunal, Caroline Raffray, ajoutant que « l’utilisation des marques "château Pauillac" et "château Pauillac" sur les étiquettes de vins qu’elle commercialise depuis 1970 en vertu du dépôt des marques correspondantes (de 1974 à 1984, puis de 1989 à 1999) ne saurait pas plus lui conférer un droit privatif sur le nom "Pauillac", [comme] l’usage ancien d’une marque n’efface pas son caractère illicite ».
Contactés, les domaines Peyronie ne souhaitent pas commenter, mais précisent faire appel de cette décision. Poursuivant ces marques depuis 2018 avec le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) « se félicite de la décision du tribunal. Qui est particulièrement bien motivée au regard des pièces cadastrales transmises, lesquelles démontrent qu'aucune chaîne de droit ne correspond à cette exploitation » souligne Fanny Hennequin, chargée de mission au service juridique de l’INAO, pour qui cette décision rappelle la caractère inappropriable des AOC (sauf caractères historiques et distinctifs particuliers, comme pour le château Margaux, le domaine de la Romanée-Conti, etc.).


Si l’incorporation d’AOC vinicole dans une marque est fréquente*, la plupart des cas se règle à l’amiable. « Ce dossier est unique en son genre pour sa tentative d’appropriation d’une AOC. Cette décision rappelle les fondamentaux » souligne Laurent Fidèle, le délégué territorial de l’INAO à Bordeaux.
* : « Aucune appropriation illicite d’une appellation d’origine ne saurait être reprochée aux marques domaniales qui justifient d’un usage commercial de bonne foi, prolongé et notoire et étayé de circonstances historiques » précise le jugement (précisant que « la marque domaniale se différencie de la marque commerciale en ce qu’elle est rattachée au nom d’une exploitation, qu’elle garantit une provenance et que […] le vin soit produit exclusivement à partir de raisins récoltés dans les vignobles exploités sur cette exploitation et que la vinification soit entièrement effectuée dans cette exploitation qui doit disposer d’une autonomie culturale »).