On fait parfois de l’œnotourisme sans le savoir : à nous de le professionnaliser », entame Philippe Pellaton, le président de l’interprofession des Côtes-du-Rhône, en ouverture des septièmes Rendez-vous de l’œnotourisme ce mardi 23 novembre à Avignon.
L’enjeu est d’abord économique : dans un vignoble où les ventes en GMS frôlent les 40 %, l’œnotourisme peut dynamiser la vente directe. Alors que la marque « Rendez-Vous terroir » créée par l’interprofession recense 513 caveaux labellisés, son président souhaite une « montée en gamme ». C’est à dire une diversification des offres et une inscription dans les valeurs du développement durable, comme l’ont fait 88 caves et domaines déjà récompensés par la distinction « œnotourisme ».
Pour le consultant Hugues Beesau, l’œnotourisme ne sera pérenne que s’il est « responsable ». Il distingue l’« écotourisme » où domine la dimension pédagogique, du « slow tourisme » qui met l’accent sur l’expérience sensorielle et la rencontre. Selon lui, « l’œnotourisme a les atouts pour s’inscrire dans l’un comme dans l’autre ». Il peut prendre diverses formes : les participants aux rencontres en laissaient voir un échantillon.
A chacun son créneau
Au domaine de Cabasse, dans le Vaucluse, on considère que le bien-être du client dépend autant de la qualité de la restauration et du confort des chambres que de l’expérience œnologique. Dans le Gard, le Château d’Aiguilhon, certifié HVE, met en avant sa démarche agroécologique : les visiteurs découvrent les hôtels à insectes et nichoirs à chauves-souris, le fonctionnement des ruches connectées… Au caveau de Saint Désirat, en Ardèche, un parcours olfactif présentant les neuf familles d’arômes permet de se familiariser avec le vocabulaire de la dégustation, tandis qu’une visite guidée de la cave en réalité virtuelle est proposée grâce à des lunettes 3D. « Et on a mis deux ans à créer un parcours de 3 km qui sillonne les vignes, avec une dizaine d’étapes », explique Manon Malegue, vigneronne au domaine, qui propose ces activités gratuitement en libre-service.
Certains vignerons proposent des visites dans des véhicules atypiques : dans le Vaucluse, Frédéric Haut fait visiter ses vignes en combi aménagé tandis que dans la Drôme, le domaine de Raspail a choisi le gyropode. D’autres misent sur l’évènementiel, en faisant intervenir des personnes extérieures : des dégustations de rhum et whisky ont lieu la cave Pradelle dans la Drôme, tandis que des ateliers de chants ou d’aquarelle sont organisés au château de Sannes dans le Lubéron. Lequel projette aussi, dès 2022, d’organiser des rencontres littéraires un vendredi par mois en présence d’un auteur.
Des animations collectives permettent ponctuellement d’engager des moyens plus importants, comme pour les « drones tours » organisés l’été passé par l’AOC Ventoux. « Equipés d’un casque, les gens voyaient en direct les images prises par les drones pendant que l’on expliquait notre travail : cette prise de hauteur était aussi intéressante pour les clients que pour les vignerons », témoigne l’un des cinq châteaux participants.
Rentabilité à long terme
Cette folle dépense d’énergie est-elle rentabilisée ? A court terme, sans doute pas, admettent la plupart des vignerons. « C’est un pari sur l’avenir : au début on ne chiffre presque pas, mais on finit par avoir des résultats », témoigne le Château de Gigognan, dans le Vaucluse. « Un visiteur qui a vécu une expérience au domaine commande deux à cinq fois plus que quelqu’un qui a seulement goûté mes vins, abonde un vigneron. Et il devient un client fidèle. »
Le retour sur investissement se fait donc sur le moyen et long terme. Voire très long terme, selon Philippe Pellaton. « Aujourd’hui, il est difficile de parler de vin et de viticulture sans se faire massacrer : l’oenotourisme est un moyen intimiste de partager nos valeurs et de sensibiliser les jeunes à notre métier », croit-il.