Emiliano García-Page Sánchez : L'horizon politique du Green Deal et les stratégies "De la ferme à la fourchette" et "Biodiversité" nécessitent des changements substantiels dans le système agroalimentaire européen, qui entraîneront des efforts considérables et des pertes éventuelles. Pour que les scénarios futurs soient viables pour les agriculteurs, il faut leur donner de nouveaux outils afin qu'ils puissent réduire l'utilisation d'intrants sans réduire considérablement les rendements ou augmenter les coûts. En effet, on ne peut pas demander aux agriculteurs, et tout particulièrement aux viticulteurs, de faire de gros efforts pour changer les pratiques, réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, des engrais, des ressources naturelles et ne pas leur permettre d'accéder à ce que la recherche scientifique peut leur offrir.
Les NGTs, des techniques telles que la cisgenèse et la mutagenèse, rendent possibles des modifications qui peuvent se produire dans la nature. Elles sont donc très sûres et peuvent apporter des réponses intéressantes aux défis des agriculteurs, avec moins d’aléas génétiques et sur des pas de temps beaucoup plus rapides que les techniques historiques. Ces techniques peuvent apporter des réponses très intéressantes pour la viticulture, qui est un secteur d'excellence et de tradition européenne qui travaille à réduire son impact environnemental.
Je pense notamment aux enjeux que sont la forte diminution de l’usage des produits phytosanitaires, de la maîtrise de l’irrigation, de l’optimisation des doses d’engrais qui sont autant de challenges. Si ces défis sont essentiels pour la préservation de nos sols, la biodiversité et la santé face à l'exposition aux pesticides de la population rurale. C’est très certainement grâce aux NGTs, que se profilent des variétés à la fois résistantes aux maladies et conservant leurs identités biologiques et organoleptiques.
Nous devons utiliser l'innovation pour préserver les traditions qui sont si importantes en matière de vin et, en même temps atteindre l'objectif difficile de combiner productivité et durabilité. L'AREV s'efforce d'alimenter à la fois le débat entre nos régions pour faire connaître les avantages et la sécurité de ces techniques et soutenir la recherche publique dans ce domaine, et parallèlement de travailler avec les institutions européennes afin que l’Union Européenne se dote d’un cadre juridique adéquat.
Soyons clairs : les OGM et les NGTs sont des choses complètement différentes. Contrairement aux OGM, les NGTs reproduisent des modifications de variétés végétales qui peuvent se produire dans la nature, car elles ne sont pas inter-espèce. Si l'opposition aux OGM est légitime en raison de la crainte d'une manipulation excessive des processus naturels et de conséquences imprévisibles, l'opposition aux NGT est infondée.
Les techniques de cisgenèse et de mutagenèse appliquées aux plantes en particulier sont absolument aussi sûres que les techniques de sélection traditionnelles. La différence c’est le temps. Au lieu de devoir parfois attendre 100 à 400 ans, on peut accélérer en quelques années la sélection.
Les AOP peuvent-elles accueillir de tels cépages ?
Je pense qu’il faudra s’assurer que les variétés NGTs travaillées conservent leur identité biologique et organoleptiques. Il faudra donc évaluer au cas par cas et impliquer les producteurs et leurs représentants. Pour nous, un lien fort avec les territoires est fondamental et nous nous efforcerons d'établir un dialogue entre tous les acteurs concernés. Il est important que les acteurs soient informés sans raccourcis ni simplifications partisanes.
Où en est l’étude réglementaire européenne des NGTs ? Quelles sont les demandes de l’AREV en la matière ?
La Commission rédige actuellement l'étude d'impact en vue de sa proposition législative, attendue pour 2023. Il est clair que ces nouvelles techniques doivent être réglementées par un cadre législatif approprié, proportionnel au niveau actuel des connaissances scientifiques - et flexible pour les développements scientifiques futurs - afin de garantir une sécurité maximale.
En revanche s’il est important que la Commission propose le bon niveau de réglementation qui puisse garantir la sécurité des consommateurs européens et de l'environnement, par contre, il ne faut pas pour autant bloquer l'accès aux résultats de la recherche scientifique. Nous pensons que rendre le processus d'autorisation trop compliqué et trop coûteux hypothéquerait gravement le bénéfice de ces nouvelles techniques -de facto- les viticulteurs européens seraient exclus du progrès dont bénéficieraient le reste des viticulteurs du monde entier. Il nous faut donc être rigoureux, transparents et fondamentalement pragmatiques.