Au cours des cinq dernières années, la superficie du vignoble à Marlborough, sur l’île sud de la Nouvelle-Zélande, a fait un bond de 24 % pour frôler les 29 000 hectares. D’après un sondage qui vient d’être publié, 5 500 hectares de vignes ont été plantés au cours des quatre dernières années, et une superficie quasi-identique devrait l’être d’ici 2025, pour une production en hausse de 33 % à cet horizon par rapport à 2020. « L’impact d’une récolte inférieure aux prévisions en 2021 ne fera que confirmer ces intentions de plantations et de croissance » affirme Greg Dryden, auteur du rapport. Même si une trentaine de milliers d’hectares reste faible par rapport aux autres vignobles de premier plan, la prédominance d’un seul cépage au sein de l’encépagement a eu pour effet d’entamer l’image premium de la Nouvelle-Zélande, phénomène illustré par une montée des expéditions en vrac ces dernières années. Mais le millésime 2021 pourrait chambouler ce scénario.
C’est en tout cas l’avis du consultant Matt Thomson : « C’est un événement qui changera la donne pour le secteur, car les faibles rendements rencontrent une forte demande pour le vin de Marlborough et de Nouvelle-Zélande. Le millésime entraînera une douleur intense à court terme, pour un gain à plus long terme. C'est l’occasion pour notre filière de se recentrer sur le premium ». Chris Stroud, directeur Europe auprès de New Zealand Winegrowers, abonde dans son sens : « Le sauvignon blanc de Marlborough connaît un immense succès, reconnu désormais comme un fleuron et un incontournable sur toutes les cartes des vins et linéaires dans le monde. Les exportations ont progressé de manière significative au cours de l’année écoulée… La forte demande entraînera inévitablement la possibilité d’augmentations de prix ». Et de la déception de la part des acheteurs qui recherchent désespérément des stocks actuellement : « Des détaillants et fournisseurs m’ont approché pour localiser des stocks de vins car ils n’arrivent pas à satisfaire leurs besoins de façon habituelle et les caves reçoivent des mails quotidiennement de la part de professionnels en quête d’approvisionnements ».
Cette expérience est vécue tous les jours par Mike Brown, directeur de la Marlborough Grape Growers Cooperative, dont les 80 membres cultivent environ 850 hectares, intégralement dédiés au sauvignon blanc. « Malheureusement, nous n’avons pas pu approvisionner tous nos clients habituels cette année », déplore-t-il, rappelant qu’ici le sauvignon se vend dans l’année et que la coopérative ne dispose donc pas de stocks. « La pénurie touche tous les acteurs de la même façon. Toutes les entreprises devront prendre des décisions sur les marchés qu’elles pourront approvisionner ou pas ».
Cette situation a déjà entraîné des augmentations de prix importantes et cette tendance devrait se poursuivre : « Les prix du vrac atteignent des sommets, les prix de la bouteille vont suivre et ceux des raisins l’an prochain vont également augmenter. Il y aura moins de vin disponible pour alimenter les marques de distributeurs et les activités de promotion prix sur les marques seront considérablement réduites », décrit Mike Brown, qui réfute l’idée d’une disparition des ventes en vrac. « Le modèle économique axé sur les expéditions en vrac ne disparaîtra pas, premièrement parce qu’il permet de réduire les émissions de carbone. Mais les prix du vrac augmentent, entraînant automatiquement une hausse de la bouteille, et par conséquent une "réinitialisation" du prix du sauvignon blanc de Marlborough. Il ne reste plus beaucoup de bonnes terres à vigne à Marlborough. Avec une offre tendue et une forte demande, un positionnement prix plus élevé sera la nouvelle réalité ».