omaine familial appartenant à la famille sancerroise Bourgeois, le Clos Henri Vineyard compte 43 hectares en production au sein de l’épicentre de la production de vin néo-zélandais. Sa dimension lui a permis d’éviter des problèmes liés à la fermeture des frontières et au manque potentiel de main d’œuvre pour les vendanges 2021. « Nous nous sommes tous retroussé les manches pour vendanger », confie Damien Yvon, le maître de chai et responsable du domaine. Ailleurs, un gros travail de formation et de recrutement a été réalisé pour pallier l’absence de vendangeurs étrangers. « L’aubaine, dans un sens, c’est qu’on n’a pas eu trop de récolte et la météo pendant les vendanges était exceptionnelle. Nous avons d’ailleurs rentré de très beaux raisins », affirme-t-il, ajoutant qu’il faut « se rassurer de cette qualité ». Car, en effet, les volumes sont loin d’être au rendez-vous cette année. « En blancs, on parle de -20% à -30% selon les secteurs, même si on n’a pas encore les chiffres officiels ». Idem en rouges. « Pour le pinot noir, la récolte est très petite, pour nous et pour les autres ». Explication : « un petit gel précoce alors que les bourgeons étaient encore dans le coton. Mais le plus gros problème, c’est que la pluie est tombée sur la fleur et on a eu beaucoup de coulure ». Le poids des grappes extrêmement varié a rendu compliquée l’estimation des volumes, à telle enseigne qu’il y a eu « beaucoup de surprises dans la vallée. Certains pensaient rentrer 8 tonnes alors qu’au final ils en ont rentré 2 », précise l’œnologue expatrié.
Mais jusqu’à présent, c’est sur les sauvignons que la vallée de Marlborough a fondé son succès et l’année à venir sera très difficile à gérer. « Ce sont des millions de bouteilles qui vont manquer. 30%, ce n’est pas anodin comme baisse », confirme Damien Yvon. Le problème se pose surtout pour les grosses caves qui ont profité d’une embellie des ventes sur le marché national et international. « Actuellement, on assiste chez les gros producteurs à des ventes record avec le Covid. Ils vendent beaucoup en grandes surfaces sur le plan national et international à des prix compétitifs. Ils vont manquer de vin. Il sera intéressant de voir comment se passent les 24 prochains mois. Financièrement, ce sera difficile mais je pense que ce sera un bien sur le long terme ». De son côté, le Clos Henri fonctionne à l’européenne, avec des stocks sur deux ou trois millésimes ce qui permet de lisser la baisse de la production. Plus globalement, cette pénurie pourrait permettre à la filière néo-zélandaise de prendre du recul et de réfléchir à son schéma directeur. « Le business model de Marlborough repose sur la vente des vins dans l’année. Créer de la pénurie va peut-être permettre de réguler un peu le prix de la bouteille. Ce qui est absolument essentiel pour le secteur néo-zélandais, c’est de conserver l’aspect premium. On a des terroirs exceptionnels et il faut les valoriser à leur juste valeur ». La faiblesse des volumes se conjugue à l’augmentation des coûts de production provoquée par la pénurie de main d’œuvre. Mécaniquement, la hausse des prix semble donc inévitable. D’ores et déjà, le directeur de New Zealand Winegrowers, Philip Gregan, reconnaît des difficultés d’approvisionnement : « Nous observons déjà des tensions entre l’offre et la demande et nous anticipons les décisions difficiles que beaucoup de caves devront prendre pour déterminer quels clients ils pourront livrer sur leurs marchés clés pendant l’année à venir ».
Mais au-delà des questions d’approvisionnements et de positionnement prix, d’autres problématiques vont se poser à court terme. « Le pire est à venir parce que nous avons encore la vigne à tailler. Nous avons une saison à faire et les frontières ne sont toujours pas ouvertes ». Damien Yvon reste toutefois optimiste : « Les Néo-Zélandais sont des gens très réactifs et proactifs et on va essayer de trouver des solutions ».