De 1950 à aujourd’hui, de nombreuses études françaises et étrangères ont traité de la diversité des souches d’Oenococcus oeni » introduit Patrick Lucas, enseignant-chercheur à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) de Bordeaux lors du webinaire de la société Lallemand le 21 janvier dernier. « On compte entre 100 et 1000 souches différentes par région » annonce le chercheur qui précise que seulement 1 à 10 souches persistent au chai, qui pratiquent des Fermentation Malo-Lactique (FML) par ensemencement ou en spontanée.
Mais en construisant un arbre phylogénétique (similaire à un arbre généalogique) avec ces souches d’Oenococcus oeni (O. oeni) retrouvées dans toutes les régions viticoles de France, Patrick Lucas est formel. « Les souches d’O. oeni ne sont pas spécifiques à une région, ni à une exploitation. Une bactérie trouvée en Bourgogne sera aussi retrouvée à Bordeaux par exemple. Elles se dispersent d’une région à une autre et d’un chai à l’autre. Cependant on constate des familles et des sous-groupes de souches qui s’adaptent à certains types de vin » explique le chercheur. Le concept de bactérie de terroir n'est donc pas avéré.
La sélection naturelle, due aux procédés de vinification de l’Homme depuis de nombreuses années, distingue deux sous-groupes de souches d’O. oeni différents. « C’est simple, il y a un groupe d’O. oeni spécifiques pour les vins rouges et un autre pour les vins blancs » annonce Patrick Lucas. « Les O. oeni retrouvés dans les vins blancs résistent à des pH inférieurs à 3 et sont particulièrement sensibles aux polyphénols. On ne les retrouve donc pas dans les vins rouges ».
Mais, au sein d’un même groupe, ces bactéries sont loin d’être similaires. « En moyenne dans une O. oeni d’un même sous-groupe, 900 gènes sont similaires. Et 8 000 sont différents ! » détaille Patrick Lucas. Cette différence explique les impacts gustatifs différents d’une O. oeni à une autre. « La production d’esters, participant aux fruités des vins rouges, est par exemple un point sur lequel nous travaillons beaucoup » remarque le chercheur. Par des mécanismes encore inconnus, certaines souches vont dégrader ces esters, ou en produire « et parfois les deux à la fois » ajoute Patrick Lucas.
En analysant de nouveau l’arbre phylogénétique de départ, Patrick Lucas a fait un constat intéressant. « Sans que les fournisseurs de bactéries aient, à l’époque, la technologie pour étudier le génome complet de chaque souche d’O. oeni commercialisée, on remarque que la diversité est là » constate le chercheur. Sur les 20 génomes commerciaux étudiés de Lallemand, Laffort et CHR Hansen, trois sont spécifiques aux vins blancs et les autres occupent neuf différents sous-groupes de souches spécifiques pour vins rouges.