L’agroforesterie intraparcellaire n’est pas la panacée », assure l’ingénieur Thierry Dufourcq, qui a piloté le projet Vitiforest pour le compte de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV).
« Nous avons évalué l’impact de l’arbre sur le comportement de la vigne sur 34 hectares dans six domaines du bordelais, des côtes de Gascogne, et de Cahors, aux terroirs, cépages, et modes de conduite très variés » détaille-il.
Pendant 4 ans, Thierry Dufourcq a vu de tout : des arbres de haut jet, des fruitiers, ou des haies arbustives. « Ces essences étaient plantées sous forme de lignes à diverses distances des rangs de vignes ou intégrées au sein même du rang de vigne, en remplacement de pieds manquants ».
Le chercheur tire un bilan mitigé de ses observations. « Bien sûr, l’agroforesterie intraparcellaire a des points positifs. A Lapouyade (33), 7 ans après la plantation, nous avons par exemple remarqué que l’ombrage rafraîchissait ponctuellement les vignes de l’ordre de 2,5 °C durant la période de véraison. A Lagardère (32), la circulation de l’air a rafraichi de 1,5°C les vignes situées au sud de larges allées d’arbres lors des journées à forte demande évaporative » illustre-t-il. L’arbre est un puit de carbone et peut contribuer à son échelle à atténuer les effets du réchaufffement climatique.
Les arbres semblent en revanche peu impacter la biodiversité des vignobles. « Mise à part des populations plus importantes de lombrics sous les bandes enherbées autour des arbres, nous n’avons pas observé plus d’arthropodes ou de microorganismes dans les sols, et les populations de ravageurs n’ont pas diminué. Les comptages ont varié d’une année sur l’autre, et il est par exemple impossible d’affirmer que les chauves-souris sont allées manger les tordeuses de la grappe » reprend Thierry Dufourcq.


Ce dont il est sûr, c’est que l’agroforesterie intraparcellaire ne constituera pas à elle seule une solution au réchauffement climatique, pas plus qu'elle ne permettra une baisse significative de l’utilisation des produits phytosanitaires. Il rappelle aussi que cette pratique culturale n’est pas sans risques. « Si l’arbre est un tampon climatique, il peut aussi générer de l’humidité au printemps et favoriser le développement des maladies cryptogamiques » prévient Thierry Dufourcq, sans entrer dans le détail des problématiques liées à la mécanisation ou aux objectifs de production.
Ces difficultés expliquent sûrement pourquoi, même si tout le monde en parle et que des initiatives voient le jour ici ou là, à l'instar du nouveau projet de verger-vigne du Vinopôle d’Amboise, l’agroforesterie intraparcellaire reste très peu développée. « Elle concerne moins d’une centaine d’hectares en France » estime l’ingénieur.
Il recommande aux viticulteurs qui souhaitent s’essayer à l’agroforesterie de commencer par la mettre en œuvre à l’échelle de l’exploitation plutôt qu’à celle de la parcelle. « Il y a plein de choses à faire avant de planter des arbres dans les vignes. On peut par exemple planter des haies brise-vent ou des bosquets pour abriter les chauves-souris en bordure de chemins ou de parcelles. Mieux vaut maîtriser parfaitement les couverts végétaux avant de réaliser des plantations parmi les vignes. »